Trente-et-unième Dimanche du Temps Ordinaire - 4 novembre, 2012
Deutéronome 6,2-6; Hébreux 7,23-28; Marc 12,28b-34
La première lecture d’aujourd’hui, tirée du livre du Deutéronome (6,2-6) et le passage de l’Évangile de Marc (12,28-34) contiennent la prière fondamentale du Shema, la profession de foi hébraïque : « Écoute, Israël, le Seigneur notre Dieu est l’Unique » (Deutéronome 6,4). De la même façon que nous professons notre foi par le credo dans la liturgie chrétienne, le peuple juif confesse sa foi par le Shema dans les services de la synagogue. Le Shema est un résumé de la vraie religion : « Écoute, Israël, le Seigneur notre Dieu est l’Unique. Tu aimeras le Seigneur ton Dieu de tout ton cœur, de toute ton âme et de toute ta force. »
Au cœur de la profession de foi hébraïque, il y a cette vérité : il n’y a qu’un seul Dieu, le créateur du ciel et de la terre, et qui est donc le Dieu universel. Tous les autres dieux ne sont pas Dieu et l’univers dans lequel nous vivons trouve son origine en Dieu et a été créé par lui. Cette idée de la création se trouve ailleurs mais ce n’est qu’ici qu’il devient parfaitement clair que ce n’est pas un dieu parmi d’autres mais le seul vrai Dieu lui-même qui est à l’origine de tout ce qui existe. Le monde entier vient à l’existence par la puissance de sa Parole créatrice.
Le sacerdoce de Jésus Christ

Dans la deuxième lecture, Hébreux 7,23-28, nous entendons parler des prêtres de l’Ancienne Alliance qui, en dépit de leur grand nombre, ont été empêchés par la mort de rester en fonction. Nous entendons aussi parler du sacerdoce de Jésus Christ qui, parce qu’il vit pour toujours, exerce une prêtrise qui ne passera pas. Jésus, le nouveau grand prêtre, garantit la permanence de la Nouvelle Alliance. Par conséquent, il est toujours capable de sauver ceux qui s’avancent vers Dieu grâce à lui puisqu’il vit pour toujours afin d’intercéder pour eux. Jésus n’était pas prêtre selon la tradition juive. Il n’appartenait pas à la lignée d’Aaron mais à celle de Juda; la voie du sacerdoce ne lui était donc pas légalement accessible. La personne et l’activité de Jésus de Nazareth ne se situent pas dans le prolongement des anciens prêtres mais bien plutôt dans celui des prophètes de l’ancien Israël.
Comme l’a souligné le pape Benoît dans l’homélie qu’il a prononcé à Rome, le 3 juin 2010, lors de la solennité du Corps et du Sang du Christ, « Jésus prit ses distances d’une conception rituelle de la religion, critiquant l’ordre qui accordait de la valeur aux préceptes humains liés à la pureté rituelle plutôt qu’à l’observance des commandements de Dieu, c’est-à-dire à l’amour pour Dieu et pour son prochain qui, comme le dit le Seigneur, “vaut mieux que toutes les offrandes et tous les sacrifices”... Même sa mort, que nous chrétiens appelons à juste titre “sacrifice”, n’avait rien des sacrifices antiques, elle était même tout le contraire : l’exécution d’une condamnation à mort, par crucifixion, la plus infamante, qui eut lieu à l’extérieur des murs de Jérusalem. » Le sacerdoce du Christ comporte la souffrance. À défaut de ce principe et de cette perspective fondamentale, tous nos efforts pour construire l’Église de Jésus Christ resteront vains.
Un enseignement crucial
Jésus était une menace pour les scribes et ceux-ci sont souvent représentés comme lui étant hostiles. Mais dans le récit de l’Évangile d’aujourd’hui, en Marc 12,28-34, nous assistons à une conversation plutôt sympathique en regard des controverses habituelles entre Jésus et les scribes.
Pour saisir pleinement le sens de ce passage de l’Évangile, il est important de comprendre le rôle que joue le scribe dans le judaïsme. Le scribe n’est membre d’aucune secte juive ni d’aucun parti politique comme les pharisiens, les sadducéens, les esséniens ou les zélotes, même si plusieurs scribes étaient effectivement des pharisiens qui suivaient une interprétation stricte de la Loi. Les scribes étaient les savants et les intellectuels du judaïsme. Leur savoir était la connaissance de la Loi qu’ils tenaient pour la somme de la sagesse et la seule vraie science. Le scribe occupait au sein de la communauté juive une position de leadership respectée.
Dans le texte d’aujourd’hui, le scribe semble impressionné par les réponses que Jésus vient de donner (versets 27-28) à la question sur le sort de la femme aux sept maris, à l’heure de la résurrection. Le scribe approche Jésus et veut en savoir plus.
La question clé, « Quel est le premier de tous les commandements? », offre à Jésus l’occasion de donner un enseignement important. Les maîtres de la Torah (scribes et rabbins) avaient toujours discuté de l’importance relative des commandements de l’Ancien Testament. En réponse, Jésus cite le Deutéronome 6,4-5 (la première lecture d’aujourd’hui), et indique les premiers versets du Shema, que les juifs récitent tous les jours. Même si on a posé à Jésus une question sur le premier commandement, il en cite deux dans sa réponse. Le second, c’est : « Tu aimeras ton prochain comme toi-même », tiré de Lévitique 19,18, qui ne faisait pas partie, lui non plus, des 613 commandements. Ce qui est remarquable, c’est que le scribe exprime son accord avec Jésus en lui faisant écho sans la moindre trace d’hostilité ou d’ironie.
En parlant du cœur, de l’âme, de l’intelligence et de la force (verset 30), la Bible n’entend pas nommer les différents éléments qui composent la personne mais souligne que c’est toute la personne qui doit aimer Dieu avec tout ce qu’elle a et ce qu’elle est. Les textes du Deutéronome ne mentionnent que le cœur, l’âme et la force tandis que l’Évangile d’aujourd’hui parle du cœur, de l’âme, de l’intelligence et de la force (comme le fait Matthieu 22,37). Jésus identifiait probablement l’intelligence (la connaissance) à la force.
L’Évangile d’aujourd’hui rappelle spontanément le récit de l’homme qui a de grands biens et qui est proche du Royaume des cieux. L’interprétation correcte du scribe et l’humilité de son ouverture sont uniques (Marc 10,13-16). La différence entre l’homme riche et le scribe, c’est que Jésus n’ajoute pas ici pour le second, comme il le fait pour le premier, qu’il y a encore une chose (Marc 10,21); parce que le scribe a compris, il n’y a rien qui l’empêche d’entrer dans le Royaume.
Moïse enseigne dans le Shema (cf. Deutéronome 6,5; Lévitique 19,34) – et Jésus le répète dans l’Évangile (cf. Marc 12,19-31) – que tous les commandements se ramènent à l’amour de Dieu et à la tendresse pour le prochain. Chaque fois que les juifs récitent le « Shema, Israël » et que les chrétiens rappellent le premier et le second grand commandement, eux et nous, par la grâce de Dieu, nous rapprochons. Chaque fois que nous faisons le signe de la croix, nous traçons le Shema sur notre corps car nous nous touchons la tête (l’âme), le cœur et les épaules (la force) en les vouant au service de Dieu.
La Lectio Divina : écouter la Parole de Dieu

Les lectures d’aujourd’hui nous invitent à une forme particulière d’écoute de la Parole de Dieu. Cette écoute exige un silence prolongé pour que l’Esprit Saint puisse révéler l’intention et le sens de la Parole de Dieu, et s’unir à notre propre esprit (cf. Romains 8,26-27). À ce propos, j’aimerais faire quelques observations au sujet de l’art vénérable de la Lectio Divina.
Verbum Domini, l’exhortation apostolique née du synode sur la Parole de Dieu dans la vie et la mission de l’Église, propose la Lectio Divina comme méthode pour approcher, comprendre, prier et aimer la Parole de Dieu.
Verbum Domini déclare en effet :
« Le Synode a insisté à plusieurs reprises sur l’exigence d’une approche priante du texte sacré comme élément fondamental de la vie spirituelle de tout croyant, dans les divers ministères et états de vie, en se référant notamment à la Lectio divina. La Parole de Dieu est, en effet, à la base de toute spiritualité chrétienne authentique. » (no 86)
Dans Verbum Domini, le pape Benoît décrit en détail la méthode de la Lectio Divina (no 87) :
« Je voudrais rappeler brièvement ici ses étapes fondamentales : elle s’ouvre par la lecture (lectio) du texte qui provoque une question portant sur la connaissance authentique de son contenu : que dit en soi le texte biblique? Sans cette étape, le texte risquerait de devenir seulement un prétexte pour ne jamais sortir de nos pensées.
« S’ensuit la méditation (meditatio) qui pose la question suivante : que nous dit le texte biblique? Ici, chacun personnellement, mais aussi en tant que réalité communautaire, doit se laisser toucher et remettre en question, car il ne s’agit pas de considérer des paroles prononcées dans le passé mais dans le présent.
« L’on arrive ainsi à la prière (oratio) qui suppose cette autre question : que disons-nous au Seigneur en réponse à sa Parole? La prière comme requête, intercession, action de grâce et louange, est la première manière par laquelle la Parole nous transforme.
« Enfin, la Lectio divina se termine par la contemplation (contemplatio), au cours de laquelle nous adoptons, comme don de Dieu, le même regard que lui pour juger la réalité, et nous nous demandons : quelle conversion de l’esprit, du cœur et de la vie le Seigneur nous demande-t-il? Saint Paul, dans la Lettre aux Romains affirme : “Ne prenez pas pour modèle le monde présent, mais transformez-vous en renouvelant votre façon de penser pour savoir reconnaître quelle est la volonté de Dieu : ce qui est bon, ce qui est capable de lui plaire, ce qui est par- fait” (12,2).
« La contemplation, en effet, tend à créer en nous une vision sapientielle de la réalité, conforme à Dieu, et à former en nous “la pensée du Christ” (1 Corinthiens 2,16). La Parole de Dieu se présente ici comme un critère de discernement : “elle est vivante, (...) énergique et plus coupante qu’une épée à deux tranchants; elle pénètre au plus profond de l’âme, jusqu’aux jointures et jusqu’aux moelles; elle juge des intentions et des pensées du cœur (Hébreux 4,12). Il est bon, ensuite, de rappeler que la Lectio divina ne s’achève pas dans sa dynamique tant qu’elle ne débouche pas dans l’action (actio), qui porte l’existence croyante à se faire don pour les autres dans la charité. »
Par la simplicité de l’adhésion à tout le texte biblique et par le respect qu’elle lui témoigne, la Lectio divina est un exercice d’obéissance totale et inconditionnelle à Dieu qui parle aux êtres humains qui écoutent attentivement la Parole.
Pour commander votre exemplaire de « Paroles faites chair, volume 2, année B », qui contient toutes les réflexions pour l’année B, visitez le site web du Service des éditions de la Conférence des évêques catholiques du Canada.