Seizième Dimanche du Temps Ordinaire
Jérémie 23,1-6; Éphésiens 2,13-18; Marc 6,30-34
Le thème du berger est au cœur des lectures de ce seizième dimanche du temps ordinaire (Année B). Le récit évangélique présente Jésus qui a de la compassion pour la foule, car ils étaient « comme des brebis sans berger ». Il nous aide à comprendre son ministère d’enseignement, de réconciliation et de pasteur.
La littérature de l’Antiquité qualifiait souvent de berger la personne chargée de diriger la communauté. L’Ancien Testament décrit souvent le Seigneur lui-même comme le berger de son peuple. On l’invoque comme « mon berger » (Psaume 22,1), et la communauté le prie en tant que « Berger d’Israël » (Psaume 79,1).
Dans le Nouveau Testament, l’image du berger exprime à la fois une grande autorité et une grande responsabilité. Nourrir le troupeau signifie que le berger doit le protéger de l’hérésie, toujours prêt à défendre ses brebis contre les maraudeurs. Jean nous dit que Jésus lui-même affirmait accomplir l’espoir d’Israël en la venue du Bon Berger : « Je suis le bon pasteur. Le bon pasteur donne sa vie pour ses brebis » (Jean 10,11).
Lorsque Jésus se retire dans un endroit désert avec ses disciples pour se reposer, les gens le suivent en grand nombre. Jésus est pris de pitié pour ce nouveau peuple de l’exode; il apaise sa faim spirituelle en lui enseignant plusieurs choses et se montre ainsi le berger fidèle du nouvel Israël.
Quand on voit Jésus saisi de pitié devant la foule « parce qu’ils étaient comme des brebis sans berger » en Marc 6,30-34, il faut savoir que cette image n’est pas née dans les Évangiles. Elle provient en fait du chapitre 34 d’Ézéchiel, où Dieu fait déferler sa colère sur les bergers d’Israël qui se sont engraissés sur le dos des faibles et des vulnérables, au lieu de s’occuper d’eux (Ézéchiel 34,10-12).
Comme des brebis sans berger
La compassion de Jésus est bien plus qu’un sentiment de regret passager. Il s’agit d’une angoisse profonde, d’une anxiété déchirante et d’une vraie douleur face à la condition des gens. Jésus décrivait la vie spirituelle de ceux et celles qui vivaient à l’extérieur du salut offert gratuitement par Dieu. Jésus était angoissé pour les âmes de ces gens, perdus dans un désert spirituel sans personne pour les secourir, les former et les mener vers une véritable nourriture spirituelle. Sans berger pour les protéger des fausses doctrines, ces âmes étaient en danger. Comme des brebis privées de bon berger, elles étaient seules et vulnérables aux attaques du mauvais qui rôde autour comme un lion affamé, cherchant quelqu’un à dévorer.
L’expression « comme des brebis sans berger » décrit bien la vie spirituelle de plusieurs chrétiens du XXIe siècle. Plusieurs de nos contemporains sont désorientés, sans défense et donc très vulnérables aux séductions et aux attaques du mal. Les brebis sans berger ne sont pas qu’un peu désorientées. Elles sont hautement vulnérables. Le danger et la destruction les guettent.
La compassion de Jésus
Jésus voit les malades et sa compassion les guérit. Il voit ceux qui sont possédés et il les libère. Il raconte l’histoire d’un roi à qui son serviteur devait une large somme. Lorsque le serviteur fut incapable de payer, le roi ordonna de le réduire en esclavage avec sa famille. Mais le serviteur demanda pardon et le roi « eut de la compassion » pour lui et annula sa dette. (Matthieu 18,21-35)

Jésus parle d’un voyageur qui allait de Jérusalem à Jéricho. Le pauvre homme tomba sur des voleurs qui le battirent, le volèrent et le laissèrent pour mort. Deux fonctionnaires religieux de haut rang passèrent sans le voir, mais un Samaritain s’arrêta et « eut de la compassion » pour lui. Il pansa les blessures de l’homme et le porta dans une auberge où il prit soin de lui toute la nuit. Le lendemain, il paya la note et versa une avance à l’aubergiste en lui disant : « Si mon ami a besoin de plus, je vous dédommagerai. » (Luc 10,25-37)
Qui peut oublier ce récit provocant du jeune fils qui prit sa part d’héritage pour la gaspiller en plaisirs éphémères? un jour, il reprit ses sens et retourna à la maison de son père, sans prétendre à sa place de fils mais en demandant seulement d’être engagé comme serviteur. Son père le vit arriver et « eut de la compassion » pour lui. Avant même que le fils prodigue puisse exprimer son repentir, le père lui avait remis l’anneau familial, une robe et des sandales et avait convoqué une grande fête pour célébrer son retour. (Luc 15,1-32)
La compassion de Jésus guérit et nourrit, remet d’énormes dettes, prend soin des corps blessés et accueille les pécheurs à la maison, en leur accordant une place d’honneur. Jésus ne laissera pas sa compassion demeurer en Dieu ou au ciel. Il nous le demande : « Soyez compatissants comme votre Père est compatissant » (Luc 6,36).
Jésus fait beaucoup plus qu’éprouver de la compassion pour ceux qu’il croise dans ce récit de Marc 6. Sa vive émotion le pousse à faire beaucoup plus que ce qu’un berger devrait faire pour ses brebis. Le vrai berger, dont la vie s’inspire de celle de Jésus, doit aimer les personnes qui lui sont confiées et imiter Jésus.
Où trouver pour nous-mêmes une telle compassion?
De temps à autres, malgré toutes nos bonnes intentions, nous nous retrouvons nous aussi dans le besoin, au nombre de ceux qui sont comme des brebis sans berger. Parfois nous nous demandons : « Où donc trouver cette compassion à partager avec les autres? » J’ai appris que ce n’est que dans la solitude devant Dieu, face à nous-mêmes, que nous pouvons découvrir la compassion de Dieu.
Peut-être n’est-ce pas par hasard qu’au plus fort de son ministère, accablé par les besoins et les demandes constantes de la foule, Jésus invite ses disciples à le rejoindre au désert : « Venez à l’écart dans un endroit désert, et reposez-vous un peu » (Marc 6,31).
Et pourquoi pas nous? Loin du brouhaha des exigences quotidiennes, nous retirer pour déposer notre cœur devant Dieu? Là, nous découvrirons la miséricorde et deviendrons porteurs de la compassion du Christ pour notre temps.
Mener les gens hors du désert
L’une des réflexions les plus profondes sur le thème du berger compatissant se trouve dans l’homélie qu’a prononcée Benoît XVI lors de son installation comme successeur de Pierre, le 24 avril 2005 :
« La sainte inquiétude du Christ doit animer tout pasteur : il n’est pas indifférent pour lui que tant de personnes vivent dans le désert. Et il y a de nombreuses formes de désert. Il y a le désert de la pauvreté, le désert de la faim et de la soif; il y a le désert de l’abandon, de la solitude, de l’amour détruit.
« Il y a le désert de l’obscurité de Dieu, du vide des âmes sans aucune conscience de leur dignité ni du chemin de l’homme. Les déserts extérieurs se multiplient dans notre monde, parce que les déserts intérieurs sont devenus très grands. C’est pourquoi, les trésors de la terre ne sont plus au service de l’édification du jardin de Dieu, dans lequel tous peuvent vivre, mais sont asservis par les puissances de l’exploitation et de la destruction.
« L’Église dans son ensemble, et les Pasteurs en son sein, doivent, comme le Christ, se mettre en route, pour conduire les hommes hors du désert, vers le lieu de la vie, vers l’amitié avec le Fils de Dieu, vers Celui qui nous donne la vie, la vie en plénitude. »
Au cours de la semaine qui vient, que notre prière soit faite d’écoute, de compassion et de courage. Demandons au Seigneur de nous rendre conscients des déserts grandissants où vivent nos contemporains, et nous-mêmes peut-être aujourd’hui. Demandons-lui de nous donner sa compassion pour ceux et celles qui sont vraiment des brebis sans berger. Et demandons le courage de mener nos amis hors de leurs déserts, vers des chemins de vie et d’amitié avec le Christ, le Bon Berger.
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