Troisième Dimanche de Carême B
Exode 20,1-17 ou 20,1-3.7-8.12-17; 1 Corinthiens 1,22-25; Jean 2,13-25
Pour le Rituel de l’initiation chrétienne des adultes :
Exode 17,3-7; Romains 5,1-2.5-8; Jean 4,5-42 ou 4,5-15.19b-26.39a.40-42
Dans les textes de ce troisième dimanche de Carême (Année B), je voudrais mettre l’accent sur deux images fortes : celle de Jésus purifiant le Temple de Jérusalem et celle du message de saint Paul au sujet de la croix de Jésus Christ. L’action purificatrice de Jésus et la compréhension de la croix chez Paul peuvent nous être d’un grand secours pour grandir dans notre connaissance et notre amour de Jésus Christ en cette saison de Carême.
Le récit que donne Jean de la purification du Temple par Jésus est très particulier. Dans les Évangiles synoptiques, cette scène prend place à la fin de la procession du dimanche des Rameaux dans la ville sainte. Alors que les gens l’acclament triomphalement, Jésus entre dans la zone du Temple, non pas pour rendre hommage, mais pour interpeller le Temple et ses chefs. Il jette par terre la monnaie des changeurs, renverse leurs comptoirs et les tables de ceux qui vendent des oiseaux et des animaux pour le sacrifice. Quel enseignement! Jésus cite les Écritures : « L’Écriture ne dit-elle pas : Ma maison s’appellera maison de prière pour toutes les nations? Or vous, vous en avez fait une caverne de bandits » (Marc 11,17; Isaïe 56,6-7; Jérémie 7,11).
Dans le quatrième Évangile, la purification du Temple prend place au début du ministère de Jésus et non au commencement des événements entourant les derniers jours de sa vie. Les actions et les mots surprenants de Jésus au Temple, qu’ils soient tirés des Évangiles synoptiques ou du récit de Jean, devaient prendre un sens nouveau pour les futures générations chrétiennes. « Enlevez cela d’ici. Ne faites pas de la maison de mon Père une maison de trafic. » Le Temple n’est pas un centre commercial ou un marché public, mais un lieu saint du Père. Comme les prophètes avant lui, Jésus essaie de réveiller le cœur de son peuple.
Les disciples de Jésus se rappellent qu’il leur a dit au Temple les mots du psaume 68,10 : « L’amour de ta maison m’a perdu. » Quand les Romains détruisirent le magnifique Temple de Jérusalem, juifs et chrétiens pleurèrent ensemble cette perte, et les disciples de Jésus se rappelèrent l’incident survenu au Temple. Ils y voyaient maintenant un nouveau sens : un signe que le vieux temple avait fait son temps et qu’un nouveau temple allait être construit. Ce nouveau temple ne serait pas de pierre, de bois et d’or. Ce serait un temple vivant de personnes saintes (1 Pierre 2,4-6; Éphésiens 2,19-22).
Jésus extrême

Un aspect intrigant de l’Évangile du jour est le portrait d’un Jésus en colère; cette scène de purification suscite en nous deux images diamétralement opposées du Seigneur. Certains aimeraient faire d’un Christ généralement passif un fougueux révolutionnaire, le fouet à la main. D’autres voudraient exciser de Jésus toute qualité humaine et n’en retenir qu’un personnage très docile, au caractère fade, souriant, silencieux et qui n’aurait jamais brassé la cage. Les erreurs de ces deux extrêmes ne sauraient justifier un nouvel extrémisme.
Jésus ne se souciait ni exclusivement ni même d’abord de réforme sociale. Il était plutôt habité par une dévotion profonde et un amour brûlant pour son Père et les choses de son Père. Il voulait former de nouvelles personnes, créées à l’image de Dieu, nourries de son amour, et partager cet amour aux autres. Les disciples et les apôtres de Jésus reconnaissent en lui une figure passionnée : passionnée par la vie mais disposée à la perdre pour la vérité et la fidélité.
Nous laissons-nous tenter par ces deux extrêmes dans notre relation à Jésus? Sommes-nous passionnés par quelque chose? Sommes-nous remplis d’un amour profond et brûlant pour les choses de Dieu et celles de son Fils, Jésus?
Le message de la croix
En écrivant aux Corinthiens, Paul relève nombre de désordres et de scandales. La communion véritable était menacée par des factions et par des divisions internes qui compromettaient gravement l’unité du Corps du Christ. Au lieu de faire appel à des notions théologiques complexes ou à un langage philosophique pour résoudre ce problème, Paul annonce le Christ à la communauté : le Christ crucifié. La force de Paul ne tient pas à son éloquence mais, paradoxalement, à la faiblesse de celui qui ne met sa confiance qu’en la « puissance du Seigneur » (1 Corinthiens 2,1-4).

Dans la première lettre de Paul aux Corinthiens (1,18.22- 25), nous lisons que « le langage de la croix est folie pour ceux qui vont vers leur perte mais pour ceux qui vont vers leur salut, pour nous, il est puissance de Dieu ». Pour saint Paul, la croix est au centre de cette théologie : qui dit croix dit salut et grâce donnée à toute créature.
La simplicité du message de Paul sur la croix est scandale et folie. Il le dit avec force : « Le message de la croix est folie pour ceux qui périssent, mais pour nous qui sommes sauvés, c’est la Parole de Dieu. C’était la volonté de Dieu à travers la folie de la proclamation pour sauver ceux qui ont la foi. Alors que les Juifs réclament les signes du Messie, et que le monde grec recherche une sagesse, nous, nous proclamons un Messie crucifié, scandale pour les Juifs, folie pour les peuples païens. »
Le « scandale » et la « folie » de la croix viennent précisément de ce que là où il ne semble y avoir qu’échec, deuil et défaite, là exactement réside toute la puissance de l’amour infini de Dieu. La croix est l’expression de l’amour et l’amour est la vraie puissance qui se révèle précisément dans cette faiblesse apparente.
Saint Paul a vécu cela dans sa chair et il nous en parle à différents moments de son itinéraire spirituel, qui sont devenus autant de points de repère pour les disciples de Jésus : « Il m’a dit : Ma grâce te suffit, ma puissance donne toute sa mesure dans la faiblesse » (2 Corinthiens 12,9); et même « Dieu a choisi ce qui est d’origine modeste, méprisé dans le monde, ce qui n’est rien, voilà ce que Dieu a choisi pour détruire ce qui est quelque chose » (1 Corinthiens 1,28).
L’Apôtre des Gentils s’identifie au Christ à tel point qu’il en arrive, lui aussi, même au milieu des épreuves, à vivre de la foi du Fils de Dieu qui l’a aimé et qui s’est donné lui-même pour ses péchés et ceux de la multitude (cf. Galates 1,4; 2,20).
Aujourd’hui, en contemplant l’amour incandescent de Jésus pour les choses du Père, et le mystère de sa croix, prions :
Seigneur notre Dieu, dont la folie est sagesse et dont la faiblesse est force, par ta grâce à l’œuvre dans les disciplines du Carême purifie le temple de ton Église et purifie le sanctuaire de nos cœurs.
Puissions-nous brûler d’un amour incandescent pour ta maison, et puisse l’obéissance à tes commandements nous guider et nous absorber sur la route de ce Carême.
Nous te le demandons par Jésus Christ,
l'homme de la croix, ta puissance et ta sagesse, le Seigneur qui vit et règne avec toi dans l’unité du Saint-Esprit, Dieu pour les siècles des siècles. Amen.
Voir la prière pour le troisième dimanche de Carême dans Prayers for Sundays and Seasons de Peter J. Scagnelli (Chicago : Liturgy Training Publications, 1996), p. 34. Traduction libre.
Pour commander votre exemplaire de « Paroles faites chair, volume 2, année B », qui contient toutes les réflexions pour l’année B, visitez le site web du Service des éditions de la Conférence des évêques catholiques du Canada.