À la lumière de la deuxième lecture d’aujourd’hui du livre de l’Apocalypse, j’aimerais vous offrir quelques réflexions sur la Ville Céleste de Jérusalem et de la place importante qu’elle occupe dans la spiritualité chrétienne.

Le Talmud babylonien révèle trois composantes essentielles de l’âme hébraïque : le Ciel, la Terre et la Jérusalem céleste. Selon les rabbins : « Pendant que le monde était en cours de création, Dieu distribua dix portions de joie au monde, et neuf de celles-ci furent données à Jérusalem; Dieu donna dix portions de beauté au monde, et neuf de celles-ci furent dédiées à Jérusalem; Dieu donna dix portions de souffrance au monde, et neuf furent dédiées à Jérusalem. »
Jérusalem est le lieu de convergence des joies, des aspirations et des peines de l’humanité. C’est la ville des rêves qui se réalisent ou qui s’effondrent. Une mappemonde médiévale très connue montre Jérusalem et le temple de Salomon au centre du monde, des continents : l’Europe, l’Afrique, et l’Asie, qui y émanent en forme de pétales gigantesques. C’est une vision de la rédemption du monde qui provient de Jérusalem. Jérusalem est le cœur du monde et le centre de l’histoire.
L’histoire du salut qui se révèle dans la Bible, se déroule entre deux visions qui forment le début et la fin du drame humain : la vision du paradis perdu – dans le livre de la Genèse, et la vision de la nouvelle Jérusalem qui descend de Dieu – dans le livre de l’Apocalypse. Nous venons de Dieu, et nous retournons à Lui. Ces deux visions sont les deux balises qui mettent en lumière tout ce qui figure entre elles concernant l’histoire et le destin du genre humain, qui est fait de souffrance humaine et de joie.
Jérusalem dans l’Ancien Testament
En tant que symbole toponymique, Jérusalem est appelée sacrée, et évoque l’assurance du pouvoir salvifique de Dieu : «Jérusalem ! Les montagnes l’entourent, ainsi Yahvé entoure son peuple dès maintenant et pour toujours » [Ps 125, 2]. L’auteur du psaume exalte la cité sacrée en s’exclamant : « J’étais joyeux que l’on me dise : Allons à la Maison de Yahvé ! Enfin nos pieds s’arrêtent dans tes portes, Jérusalem ! » [Ps 122, 1-2]. « Que ma langue s’attache à mon palais si je perds ton souvenir, si je ne mets Jérusalem au plus haut de ma joie ! » [Ps 137, 6].
Isaïe, le prophète-poète hébreu du VIIIème siècle présenta la meilleure anticipation du futur de Jérusalem. Après avoir prévu la destruction du monde, Isaïe localisa sa vision messianique du futur de la rédemption sur les promontoires de Jérusalem. Il prophétisait qu’un jour toutes les nations arrêteraient leurs guerres et se réuniraient en réconciliation finale sur le promontoire le plus élevé, celui de Sion [Jérusalem]. Et, c’est de Sion, la « montagne de la demeure de Yahvé, » que se présentera la loi de la justice divine. Écoutez ces mots d’Isaïe [Isaïe 2, 1-5] :
Il arrivera dans la suite des temps que la montagne de la Maison de Yahvé sera établie en tête des montagnes et s’élèvera au-dessus de collines. Alors toutes les nations afflueront vers elles, alors viendront des peuples nombreux qui diront : « Venez, montons a la montagne de Yahvé, à la Maison du Dieu de Jacob, qu’il nous enseigne ses voies et que nous suivons ses sentiers. » Car de Sion vient la Loi et de Jérusalem la parole de Yahvé. Il jugera entre les nations, il sera l’arbitre de peuples nombreux. Ils briseront leurs épées pour en faire des socs et leurs lances pour en faire des serpes. On ne lèvera plus l’épée nation contre nation, on n’apprendra plus à faire la guerre. Maison de Jacob, allons, marchons à la lumière de Yahvé.
Jérusalem pour les Chrétiens
L’Évangile de Luc et son récit subséquent de l’église paléochrétienne dans les Actes des apôtres, illustrent Jérusalem de manière très positive. L’évangile de Luc débute et se termine au Temple de Jérusalem. La scène d’ouverture décrit l’annonciation de la conception, ainsi que de la naissance de Jean Baptiste à Zacharie, père de ce dernier, un prêtre qui par zèle entra au sein du sanctuaire pour y brûler de l’encens [Luc 1, 10]. L’évangile se termine par la scène de célébration quotidienne des disciples dans le Temple, dans l’attente de l’Esprit à la Pentecôte [Luc 24, 52-53].
Il y a d’autres passages qui indiquent l’importance magnanime du sens de Jérusalem dans plusieurs récits et sources scripturaires. Dans ces messages d’évangélisation aux Gentils, Paul fait constamment appel aux ‘pauvres’ de l’Église de Jérusalem et de Judée. Ces messages étaient communiqués dans l’intention de symboliser la solidarité des membres juifs et chrétiens de l’Église. Pour Paul, Jérusalem constituait un centre de gravité et un point de référence, surtout de part le contraste distinctif entre la Jérusalem terrestre et la Jérusalem céleste.
La Jérusalem apocalyptique
Pour les Chrétiens, Jérusalem est la cité de la mort et de la résurrection de Jésus, le centre de l’histoire et du monde. Elle est aussi le toponyme qui évoque la nouvelle ville du futur : La Nouvelle Jérusalem, comme le mentionne notre récit d’aujourd’hui extrait d’Apocalypse 21. Le songe extraordinaire que fit de Jean évoque une ville de Dieu, par Dieu et avec Dieu. L’auteur décrit la Nouvelle Jérusalem comme étant la finalité de l’histoire humaine. Jérusalem préfigure la ville eschatologique, le modèle de la vie dans la présence éternelle de Dieu. Elie Wiesel, le lauréat du Prix Nobel, évoquait ce thème dans sa description de la ville céleste : « JÉRUSALEM doit être partout, et JÉRUSALEM EST partout ou une personne œuvre pour la paix, là où le cœur s’ouvre pour PRIER, à la GÉNÉROSITÉ, à la GRATITUDE. »
Cité de Dieu pour trois grandes religions
Jérusalem est la Cité de Dieu, son sanctuaire, le lieu où chaque juif, chrétien, musulman a entendu la parole de Dieu, et a éprouvé, par conséquent, le désir d’adorer Dieu. Cette nécessité religieuse, est aussi une partie intrinsèque de l’identité humaine individuelle et collective : elle se constitue de personnes et d’un peuple. La mémoire religieuse est aussi une mémoire nationale pour le(s) Juif(s) ainsi que pour le(s) Musluman(s). Pour les Chrétiens, Jérusalem était et demeure l’Église Mère, le berceau de la première communauté chrétienne.
Pistes de réflexion
Pourquoi Jérusalem est-elle une cité importante ? Que signifie Jérusalem pour moi ? Quels sont les aspects du Judaïsme et de l’Islam qui m’ont inspiré(e) et qui m’ont aidé(e) dans ma propre foi ? Quelle est ma propre vision du futur de Jérusalem ?
Lorsque je pense à l’Église, quelle image me vient à l’esprit ? Comment se reflète ma vision de l’Église sur mon expérience en tant que membre de cette Église ? Si nous sommes sensés être un temple vivant de Dieu, quelles qualités devrions-nous avoir en tant qu’Église ? Quel est le symbole le plus unificateur pour nous en tant que peuple chrétien ?
Tous les habitants de Jérusalem luttent aujourd’hui pour fonder une société à la fois juste et sécurisée. Le drame continu de la Terre Sainte est un drame de foi. Jusqu'à quand la religion restera-t-elle la cause de guerres et de disputes parmi les croyants ? Ce n’est pas la raison pour laquelle Dieu s’est manifesté pour nous, ou nous à adressés dans ces lieus sacrés, mais plutôt pour le salut du genre humain, et pour l’amour de l’humanité, le seul instrument constructif et le seul chemin qui aboutit à la justice.
Comment est-ce que j’envisage le futur de Jérusalem ? Quels sont les symboles religieux et les métaphores qui alimentent ma vision de cette cité sacrée ? Mon imagination religieuse me guide-t-elle vers une vision de paix et de justice, ou engendre-t-elle des sentiments de haine, d’exclusion et de violence ?
Fidélité à Jérusalem et Rome
Je conclue avec cette prière du Cardinal Carlo Maria Martini, s.j., extraite de son livre « Due Pellegrini per la Giustazia [Centro Ambrosiano : Edizioni Piemme, 1992]. » J’ai souvent prié ces mots durant mes années d’études à Rome et à Jérusalem.
Seigneur notre Dieu,
Nous te louons et te bénissons pour Jérusalem,
parce que tu nous as donné
cette cité comme symbole de l’histoire de Dieu et de l’histoire de l’humanité ;
signe de ton amour pour nous et de ta miséricorde pour nos péchés ;
symbole de notre pèlerinage terrestre vers toi, un pèlerinage qui présente tant de difficultés et de conflits.
Nous prions pour Jérusalem et pour tous nos frères et sœurs juifs et arabes (musulmans).
Nous te remercions, Seigneur, par ce que tu nous as appelés à servir le Christ et à porter sa croix aujourd’hui dans l’Église,
L’Église dont le centre est Rome ;
Comme tu nous as appelés à être un avec ton Fils,
Tu nous apprends à nommer notre unité avec lui,
Dans les paroles d’Ignace de Loyola, « l’épouse du Christ notre Seigneur, qui est notre Sainte Mère, l’Église »
Nous te remercions pour l’Église et pour Rome
qui est à l’image de l’unité
du pèlerinage vers son unité,
et pour les tentations que nous devons endurer afin d’achever cette unité.
Nous te prions afin que nous soyons fideles à Jérusalem et Rome,
à ton Fils et à l’Église,
dans ce périple commun de l’humanité
vers le cœur de la Trinité,
vers la contemplation de ton visage
de Père, Fils et Saint Esprit. Amen.
*******
Réflexions vidéo du père Rosica:
http://www.seletlumieretv.org/program_speciales_easter_video4.html
http://www.seletlumieretv.org/program_speciales_easter_video5.html