Troisième dimanche du Temps ordinaire, Année A - 22 janvier 2017
Isaïe 8,23b-9,3
1 Corinthiens 1,10-13.17
Matthieu 4,12-23
La première lecture de ce dimanche, tirée du livre du prophète Isaïe (Is 8, 23 à 9, 3), de même que le passage évangélique (Mt 4, 12-23) ravivent toutes deux en nous le souvenir de Noël. « Le peuple qui marchait dans les ténèbres a vu se lever une grande lumière; sur ceux qui habitaient le pays de l’ombre, une lumière a resplendi » (Is 9, 1). La section chorale du cycle de la Nativité du « Messie » de Haendel ne cesse de m’émouvoir chaque fois que j’écoute la prophétie d’Isaïe mise en une musique envoûtante de beauté… des paroles qui atteignent un crescendo dans l’annonce de la naissance d’un enfant qui sera appelé « Merveilleux-Conseiller, Dieu-Fort, Père-à-jamais, Prince-de-la-Paix » (Is 9, 5). La prophétie d’Isaïe constitue la première lecture que nous entendons proclamée chaque année à la messe de minuit la veille de Noël.
Ces puissantes paroles consolatrices étaient destinées à ceux qui étaient dans les ténèbres et l’angoisse, ceux qui vivaient dans les régions galiléennes de Zabulon et de Nephtali, des terres situées entre la mer de Galilée et la mer Méditerranée. Dans l’évangile d’aujourd’hui, la prophétie d’Isaïe à propos de la lumière se levant sur Zabulon et Nephtali (Isaïe 8, 22 à 9, 1) s’accomplit en Jésus résidant à Capharnaüm. Puisqu’une si grande part du ministère de Jésus se déroule en Galilée et aux alentours de la mer de Galilée, il est important pour nous d’avoir une certaine compréhension historique et géographique de toute la région. Il y a une chose que nous devons savoir à propos de l’histoire, dans l’Ancien Testament, du pays que Jésus a fait sien.
Une terre de ténèbres profondes
Immédiatement avant le chapitre 9, le témoignage d’Isaïe a mis en place un effrayant tableau de l’obscurité et de la détresse sur le point de s’abattre sur les royaumes de Judas et du Nord. Quel est ce sort terrible, cette obscurité sur le peuple et pourquoi s’abattent-ils ? Après que le roi Achaz et son peuple eurent clairement rejeté la Parole de Dieu (cf. Is 7, 10-12; 8, 6a), le Seigneur déclara qu’il cacherait son visage de la maison de Jacob (Is 8, 17) en guise d’expression de sa consternation et de son courroux. En ces temps d’angoisse et de panique dus à la colère de Dieu, le peuple eut recours bien trop facilement à des médiums et des sorciers (Is 8, 19). Cependant, Isaïe faisait remarquer qu’il était ridicule de consulter les morts au nom des vivants. Au chapitre 8, versets 16 à 22, nous lisons au sujet de ce sort terrible qui pourrait rattraper le peuple : « il n’y aura pas d’aube pour ce peuple » (Is 8, 20). Au lieu, il y aura la faim, la soif et la misère, se manifestant sous forme d’une privation matérielle aussi bien que spirituelle. Le cœur des gens sera assombri et leur esprit, grandement perturbé. La population sera prise de rage et elle maudira son roi pécheur et le Dieu qu’elle a abandonné. Elle vivra sans espoir ni consolation. Qu’elle tourne son visage vers le ciel ou qu’elle jette le regard vers la terre, elle ne verra que détresse et obscurité, tandis qu’elle sera plongée dans d’épaisses ténèbres (cf. Exode 10, 22; Deutéronome 28, 29).
De telles ténèbres pénètrent directement le cœur et l’âme et rendent la poursuite de la vie humaine impossible. Cependant, ces ténèbres et cette détresse ne furent pas les dernières paroles d’Isaïe. C’est précisément sur cette terre qu’une grande lumière a brillé. Il y a dans les Écritures un thème qui revient souvent : le fait que Dieu agit dans des contextes inattendus, dans des endroits inattendus, au moment inattendu, de la manière inattendue.
L’espérance d’Isaïe pour les peuples du Nord
Le chapitre 9 du Livre d’Isaïe contraste entièrement avec le chapitre 8. La première ligne du chapitre 9 forme une transition de la noirceur de 8,22. Le prophète proclame un message d’espérance et de consolation, alors que les ténèbres et la tristesse cèdent la place à la lumière et à la joie. La grande lumière vient de façon décisive dans ces ténèbres profondes. Elle arrache les gens à leur confusion et à leur vide, à la violence et à la tyrannie de l’oppresseur. Le message en Isaïe 9, 1-7 est destiné à ces personnes qui connaissaient l’angoisse.
Les ténèbres et la tristesse qui s’étaient installées sur la terre pénètrent directement dans le cœur et l’âme et rendent la poursuite de la vie humaine impossible. Cependant, ces ténèbres et cette détresse ne furent pas les dernières paroles d’Isaïe. Le prophète proclame un message d’espérance et de consolation, alors que les ténèbres et la tristesse cèdent la place à la lumière et à la joie. Sur les habitants du pays de l’ombre noire comme la mort, une lumière a resplendi !
Le premier résultat de cette grande lumière sur les peuples sera la chute de l’oppresseur – l’Assyrie, qui doit être vaincue de manière tout aussi décisive que l’avait été Madiane (Juges 6). Le désarmement ne pourra avoir lieu et la paix ne pourra régner qu’après une telle défaite décisive. Ils seront brisés, les symboles de l’oppression par les Assyriens : « le joug qui pesait sur eux, le bâton qui meurtrissait leurs épaules, le fouet du chef de corvée » (Is 9, 3). Tous les vêtements de guerre seront dévorés par les flammes (Is 9, 4). La destruction du matériel de guerre annonce une ère de paix… décrite symboliquement en Isaïe 2,4 : « De leurs épées ils forgeront des socs de charrue, et de leurs lances, des faucilles. On ne lèvera plus l’épée nation contre nation, on ne s’entraînera plus pour la guerre. »
Le ministère de Jésus le long de la mer de Galilée
Afin d’accorder le déménagement de Jésus vers Capharnaüm avec la prophétie d’Isaïe, l’évangéliste Matthieu situe cette ville « dans la région de Zabulon et de Nephtali » (Matthieu 4, 13), alors qu’elle n’était pas dans le territoire de cette région, et il comprend que la mer de la prophétie, qui est en réalité la Méditerranée, comme étant la mer de Galilée. En se déplaçant le long de la rive de la mer de Galilée, et sur la mer elle-même, Jésus mettait en lumière la vie de nombreuses personnes qui avaient connu les ravages de la guerre, de l’invasion, de l’occupation et de la violence dans toute la région de Zabulon et de Nephtali.
Dans les évangiles de Marc et de Matthieu, la première rencontre avec les disciples est narrée très brièvement (Marc 1, 16-20; Matthieu 4, 18-22). Jésus rencontre Simon et son frère André alors qu’il marche le long de la rive. Ils lancent leurs filets depuis le rivage, espérant probablement attraper du poisson nageant dans les sources chaudes qui se jettent dans la mer. Ils les convoquent : « Venez, suivez-moi et je vous ferai pêcheurs d’hommes ». On nous dit que, immédiatement, ils laissèrent là leurs filets et le suivirent. Un peu plus loin, il voit Jacques et Jean, les fils de Zébédée. Ils sont assis dans leurs bateaux, réparant leurs filets. Fatigués, peut-être après une nuit de labeur en mer. Jésus les appelle de la même manière; ils quittent leur père et le reste de l’équipage et le suivent. Pour Jésus et pour ceux qu’il a appelés, la mer fut un lieu et un instant de conversion. C’est au bord de la mer que Jésus appelle les autres à se joindre à lui dans son ministère prophétique et son rayonnement jusque vers les pauvres et les malades. Le ministère pastoral qui est authentique et prophétique entre dans ces zones qui connaissent des querelles, la douleur, l’angoisse, la guerre et la violence, et arrive toujours à sortir et à inviter les autres à suivre.
Jésus accomplit les paroles de Jean le Baptiste
Au début de sa prédication (4, 17), Jésus reprend les paroles de Jean le Baptiste (Matthieu 3,2), mais avec une signification différente; par son ministère, le royaume des cieux est déjà survenu (Matthieu 12, 28). L’appel des premiers disciples (Mt 4, 18-22) est une promesse pour ces derniers d’avoir part à l’œuvre de Jésus et cela implique le délaissement de la famille et du précédent mode de vie. Trois parmi les quatre, soit Simon, Jacques et Jean, sont identifiés parmi les disciples comme ayant une relation de plus grande proximité avec Jésus (cf. Matthieu 17, 1; 26, 27). Au verset 20 et dans le passage Matthieu 4, 22, tout comme dans Marc 1, 16-20, et contrairement à la version lucanienne (Luc 5, 1-11), la réponse des disciples n’est motivée que par l’invitation de Jésus, ce qui accentue sa puissance mystérieuse. Dans la vie de ceux qui sont appelés par Jésus, il y a toujours un avant et un après. Pour certains, la conversion du cœur se déroule souvent graduellement, sur une longue période de temps. Pour d’autres, la conversion se vit de façon tout aussi inattendue que soudaine et totale.
Bien que l’appel à suivre Jésus fut un privilège au-delà de l’imagination, on ne cherche nullement à prétendre que les disciples étaient des personnes idéales. C’étaient des personnes très réelles – querelleuses, faibles par moments, souvent déconcertées par Jésus. Même en comprenant Jésus et ses enseignements, les disciples ont été capables de le rejeter et l’abandonner. Le portrait des disciples que brosse l’évangile est empli de compassion parce que cela laisse de la place pour ceux qui luttent pour atteindre leurs rêves, ceux qui par moments oublient leur appel à la grandeur. Des gens comme nous ! Suivre Jésus, c’est risqué, comme l’est tout nouveau mode de vie. Chacun de nous est appelé à enseigner comme Jésus a enseigné et à guérir avec audace et compassion comme il l’a fait.
Le rapport entre l’Ancien et le Nouveau Testament
Poursuivons notre méditation sur
Verbum Domini, l’exhortation apostolique post-synodale du pape Benoît XVI sur « La Parole de Dieu dans la vie et dans la mission de l’Église ». Cette fois, arrêtons-nous sur le rapport entre l’Ancien et le Nouveau Testament (No. 40 et 41).
- Par ailleurs, le Nouveau Testament lui-même s’affirme conforme à l’Ancien et proclame que dans le Mystère de la vie, de la mort et de la Résurrection du Christ, les Saintes Écritures du Peuple juif ont trouvé leur parfait accomplissement. Il faut observer cependant que le concept d’accomplissement des Écritures est complexe, parce qu’il possède une triple dimension: un aspect fondamental de continuité avec la Révélation de l’Ancien Testament, un aspect de rupture et un aspect d’accomplissement et de dépassement. Le Mystère du Christ est en continuité d’intention avec le culte sacrificiel de l’Ancien Testament; il s’est cependant réalisé d’une manière très différente, qui correspond à plusieurs oracles des prophètes, et il a atteint ainsi une perfection jamais obtenue auparavant. L’Ancien Testament, en effet, est plein de tensions entre ses aspects institutionnels et ses aspects prophétiques. Le Mystère pascal du Christ est pleinement conforme – d’une façon qui toutefois était imprévisible – aux prophéties et à l’aspect préfiguratif des Écritures; néanmoins, il présente des aspects évidents de discontinuité par rapport aux institutions de l’Ancien Testament.
- Ces considérations manifestent ainsi l’importance incontournable de l’Ancien Testament pour les Chrétiens, mais en même temps, mettent en évidence l’originalité de la lecture christologique. Depuis les temps apostoliques et ensuite dans la Tradition vivante, l’Église a mis en lumière l’unité du plan divin dans les deux Testaments grâce à la typologie, laquelle n’a pas un caractère arbitraire mais est intrinsèque aux événements racontés par le texte sacré et concerne par voie de conséquence toute l’Écriture. La typologie « discerne dans les œuvres de Dieu sous l’Ancienne Alliance des préfigurations de ce que Dieu a accompli dans la plénitude des temps, en la personne de son Fils incarné ». Les Chrétiens lisent donc l’Ancien Testament à la lumière du Christ mort et ressuscité. Si la lecture typologique révèle l’inépuisable contenu de l’Ancien Testament en relation avec le Nouveau, cela ne doit toutefois pas conduire à oublier qu’il conserve sa valeur propre de Révélation que Notre Seigneur lui-même a réaffirmée (cf. Mc 12, 29-31). En conséquence, « le Nouveau Testament demande aussi d’être lu à la lumière de l’Ancien. La catéchèse chrétienne primitive y aura constamment recours (1 Co 5, 6-8; 1 Co 10, 1-11) ». Les Pères synodaux ont pour cette raison affirmé que « la compréhension juive de la Bible peut aider les Chrétiens dans l’intelligence et l’étude des Écritures ».
« Le Nouveau Testament est caché dans l’Ancien et l’Ancien est révélé dans le Nouveau », c’est ainsi qu’avec une profonde sagesse, saint Augustin s’exprimait sur ce thème. Il est donc important qu’aussi bien dans la pastorale que dans le milieu académique, soit bien mise en évidence la relation intime entre les deux Testaments, en rappelant avec saint Grégoire-le-Grand que ce que « l’Ancien Testament a promis, le Nouveau Testament l’a fait voir; ce que celui-là annonçait de façon cachée, celui-ci le proclame ouvertement comme présent. C’est pourquoi l’Ancien Testament est prophétie du Nouveau Testament; et le meilleur commentaire de l’Ancien Testament est le Nouveau Testament ».
Questions d’actualisation pour cette semaine
À la lumière de ces riches passages bibliques, prenons quelques moments cette semaine et demandons-nous :
Quels ont été mes moments de conversion personnelle ?
Quel vécu ou quelles rencontres dans ma vie ont approfondi ma foi ?
Quelles personnes ont joué un rôle-clé dans ma conversion ?
Quels gestes concrets ai-je posés après un instant de conversion ?
Comment ai-je invité d’autres personnes à se convertir elles-mêmes ?
De quelles manières pouvons-nous, en tant que disciple de Jésus, prendre part aujourd’hui à sa mission d’enseigner et de guérir ?