Nativité du Seigneur, Année A - dimanche 25 décembre 2016
Nuit : Isaïe 9,1-6; Tite 2,11-14; Luc 2,1-14
Aurore : Isaïe 62,11-12; Tite 3,4-7; Luc 2,15-20
Jour : Isaïe 52,7-10; Hébreux 1,1-6; Jean 1,1-18
Le message de Noël nous coupe le souffle à chaque année et frappe notre imaginaire : la deuxième personne de la Sainte Trinité: l’unique Fils engendré du Père, le Verbe éternel, notre Créateur, désire adopter notre condition et se faire homme, l’un des nôtres, notre frère ! Dieu lui-même repose dans une mangeoire, entièrement humain et entièrement divin. Quelle réalité extraordinaire !
Une communication divine avec nous
La deuxième lecture du jour de Noël est tiré de l’épitre aux Hébreux (1, 1-6). Elle s’ouvre par une réflexion sur la révélation de Dieu à la race humaine, par son Fils. La communication divine a commencé et s’est maintenue sous des formes fragmentaires et variées dans l’Ancien Testament à travers les prophètes. « Mais, dans les derniers temps, dans ces jours où nous sommes, il nous a parlé par ce Fils qu’il a établi héritier de toutes choses et par qui il a créé les mondes. (v. 2) » Jésus, celui qui a été humilié et crucifié, a été déclaré Fils de Dieu. Ce nom démontre sa supériorité aux anges.
Du camping divin parmi nous
Le prologue de Jean (1, 1-18) présente les thèmes principaux des quatre évangiles : la vie, la lumière, la vérité, le monde, le témoignage et la préexistence de Jésus-Christ, le Logos incarné, qui nous révèle Dieu le Père. Ce prologue était probablement à l’origine un hymne chrétien des premiers siècles. Son parallèle le plus proche se trouve dans d’autres hymnes christologiques, Colossiens 1, 15-20 et Philippiens 2, 6-11. Au cœur de ces hymnes se trouve une structure poétique avec des phrases courtes liées par un « parallélisme en escalier », où le dernier mot d’une phrase devient le premier de la phrase suivante.
« Au commencement » évoque les premiers mots de l’Ancien Testament (Genèse 1, 1). Le Verbe (logos grec) implique à la fois la dynamique de Dieu, la parole créatrice (Genèse), Activité créatrice de Dieu personnifiée comme Sagesse préexistante (Proverbes), et ultime intelligibilité de la réalité (philosophie grecque).
Le prologue atteint son apogée par cette annonce : « Et le Verbe s’est fait chair, il a habité parmi nous » (v. 14) (Littéralement en grec : il a posé sa tente parmi nous). C’est une forme de camping divin parmi nous ! Cette présence surgit grâce à l’amour gratuit de Dieu : « Voici comment Dieu nous a manifesté son amour : « Dieu a envoyé son Fils unique dans le monde pour que nous vivions par lui » (1 Jean 4, 9). Le Verbe n’est pas simplement un message que l’on peut présenter avec des mots. En Jésus, le message et le messager sont unis. Le médium est le message !
Une nouveauté inconcevable et sans précédent
Dans son exhortation apostolique
Verbum Domini qui a suivi le Synode des évêques sur la Parole de Dieu dans la vie et la mission de l’Église, Benoît XVI écrit au numéro 11 :
Il s’agit d’une nouveauté incroyable et humainement inconcevable: « Le Verbe s’est fait chair, il a habité parmi nous » (Jn 1, 14a). Ces expressions n’indiquent pas une figure rhétorique mais une expérience vécue ! C’est saint Jean, témoin oculaire, qui la rapporte: « nous avons vu sa gloire, la gloire qu’il tient de son Père comme Fils unique, plein de grâce et de vérité » (Jn 1, 14b). La foi apostolique témoigne que la Parole éternelle s’est faite Une de nous. La Parole divine s’exprime vraiment à travers des paroles humaines.
Dieu n’aime pas à distance
Le message de Noël annonce une nouvelle présence divine en chacun de nous. Tous les jours de notre vie, nous recherchons la proximité de ceux que nous aimons et qui nous aiment. On ne peut concevoir de nous éloigner de l’amitié et de l’amour. Photos, objets, lettres, courriels, SMS et appels téléphoniques demeurent insuffisants. Nous voulons profiter de la présence réelle de ceux et celles qui occupent notre esprit et nous laissent vivre dans leur cœur. Nous vivons dans le cœur de Dieu, et Noël nous apporte le Fils de Dieu de manière tangible, qui dans son Amour se soucie de chacun nous. Dieu ne voulait pas vivre cet amour à distance.
Le point culminant de la communication de Jésus
La prière eucharistique reprend cette parole de Jean : « Dieu a tant aimé le monde qu’il a donné son Fils unique : ainsi tout homme qui croit en lui ne périra pas, mais il obtiendra la vie éternelle (Jean 3, 16). » Puisque la vie du Christ est tournée vers les autres, l’Église doit partager cette vie avec le monde. Dans l’eucharistie, nous recevons non seulement la vie du Christ, mais nous sommes aussi mus à adorer toutes les personnes de la Trinité.
La plateforme de communications de Dieu et la nôtre
Le Verbe n’est pas devenu un courriel, un SMS ou un message-texte, ou un oracle divin quelconque prononcé depuis des cieux éloignés il y a très longtemps. À travers Marie, le Verbe s’est fait chair et a posé sa tente parmi nous. Le Verbe s’est fait proche de vraies personnes en temps réel. Par le miracle et le mystère de l’Incarnation, le Verbe n’est pas devenu une philosophie, une théorie, un concept sur lequel on peut débattre, discuter ou réfléchir. Le Verbe est devenu une personne pour être suivi, apprécié et aimé ! Notre salut se trouve dans cet Enfant de Bethléem.
La plateforme de communications de Dieu est la personne humaine et Noël inaugure un nouveau genre de relation avec Dieu, une nouvelle amitié véritable. L’amitié dans le monde virtuel diffère grandement de l’amitié en temps réel. Une véritable amitié dépend de révélations mutuelles et peut seulement fleurir dans les limites de l’intimité et de la modestie. Les amitiés virtuelles sont distantes et abstraites et peuvent conduire à une désensibilisation systémique en tant que culture. Tel est le danger qui nous guette si nous ne sommes pas attentifs, prudents et éclairés face à ces nouvelles réalités. Avec l’augmentation du réseautage en ligne, on rapporte également une augmentation de la solitude. Le phénomène des réseaux sociaux soulève ainsi certaines questions. Qu’est-ce que cela nous apporte ? Quel impact cela a-t-il sur nous ? Cela change-t-il notre perception des limites sociales ? Notre individualité ? Nos amitiés ? On s’expose au monde, mais est-ce qu’on ressent quelque chose ?
Le grand défi à l’ère de Facebook et de Twitter consiste à présenter le message profond de Jésus et l’enseignement de l’Église sans se laisser distraire par les aspects superficiels de la technologie. L’usage exclusif de courriels et de réseaux sociaux signifie que, comme société, nous perdons peu à peu notre capacité de bâtir des communications et des rapports interpersonnels qui sont nécessaires au vivre ensemble et à la construction du tissu de toute communauté. En faisait usage des médias pour évangéliser et former les masses, nous ne devons jamais perdre de vue le besoin de rejoindre et d’enseigner aux individus comme si chacun d’eux était l’unique personne à qui nous nous adressions.
L’énigme de la condition humaine
À l’occasion de Noël, relisons les paroles de Benoît XVI au numéro 6 de son Exhortation apostolique
Verbum Domini :
Mais nous ne comprendrions pas encore pleinement le message du Prologue de saint Jean si nous nous arrêtions à la constatation que Dieu se communique à nous avec amour. En fait, le Verbe de Dieu, par lequel « tout s’est fait » (Jn 1, 3) et qui « s’est fait chair » (Jn 1, 14), est le même Dieu qui est « au commencement » (Jn 1, 1). Si nous reconnaissons ici une allusion au début du Livre de la Genèse (cf. Gn 1, 1), nous nous trouvons, en réalité, face à un principe de caractère absolu, qui nous dévoile la vie intime de Dieu. Le Prologue johannique nous met en face du fait que le Logos est réellement depuis toujours, et depuis toujours il est Dieu lui-même. Par conséquent, il n’y a jamais eu en Dieu un temps où le Logos n’était pas. Le Verbe préexiste à la création. C’est pourquoi, au cœur de la vie divine existe la communion, le don absolu. « Dieu est amour » (1 Jn 4, 16) dira à un autre endroit le même Apôtre, en indiquant par là « l’image chrétienne de Dieu ainsi que l’image de l’homme et de son chemin, qui en découle ». Dieu se fait connaître à nous comme Mystère d’amour infini dans lequel le Père depuis l’éternité exprime sa Parole dans l’Esprit Saint. Par conséquent le Verbe, qui depuis le commencement est auprès de Dieu et est Dieu, nous révèle Dieu lui-même dans le dialogue d’amour des Personnes divines et il nous invite à y participer. C’est pourquoi, créés à l’image et à la ressemblance de Dieu amour, nous ne pouvons nous comprendre nous-mêmes que dans l’accueil du Verbe et dans la docilité à l’œuvre de l’Esprit Saint. C’est à la lumière de la Révélation opérée par le Verbe divin que se clarifie définitivement l’énigme de la condition humaine.