Une réflexion du père Thomas Rosica c.s.b. pour la fête de Saint Joseph, 20 mars 2017 (Traduction: Francis Denis)
Un des événements les plus marquants de notre récent pèlerinage en Terre Sainte fut le temps que nous avons passé à Nazareth et la visite des fouilles archéologiques sous le couvent des sœurs de Nazareth. Bien que la ville de Nazareth soit connue pour son imposante Basilique de l’Annonciation, construite au-dessus de la grotte où eut lieu l’Annonciation à Marie et dont l’entretien est entre les mains des Franciscains de la Custodie de Terre Sainte, les excavations sous le couvent des sœurs de Nazareth qui se trouve de l’autre côté de la rue face à la Basilique sont tout aussi fascinantes. Ce site relativement peu connu permet de voir une maison datant du premier siècle. Aujourd’hui, on croit qu’il s’agit de l’endroit où Jésus a été élevé par Marie et Joseph. La maison est faite de murs en pierre et en mortier partiellement encastrée dans une colline rocheuse. Ces fouilles commencent tranquillement à être reconnues comme la « maison et l’église de la nutrition » (endroit ou la Sainte Famille s’est installée et a vécu) ainsi qu’un lieu à proximité de la tombe du Juste de Nazareth, saint Joseph.
Les premières excavations au couvent datent de 1984. À cette époque, les sœurs faisaient des réparations dans une citerne de leur cellier lorsqu’elles découvrirent d’anciennes pierres travaillées qui s’avérèrent être une chambre dotée d’une voute. Les sœurs et des jeunes filles de leur école, avec quelques hommes de construction, creusèrent plus profondément et tirèrent de la terre d’autres structures de pierre, incluant deux tombeaux taillées dans la pierre. En 1936, le père jésuite Henri Senès, qui était architecte avant de devenir prêtre, a visité le site et a enregistré les détails des structures découvertes par les sœurs dans leur sous-sol. Son travail n’avait jamais été publié et, donc, personne ne connaissait ce lieu sinon les sœurs et les personnes qui avaient visité ce couvent. L’archéologue franciscain italien bien connu, p. Bellarmino Bagatti (1905-1990), qui avait fait une enquête sur place en 1937, pensait que tout le complexe était une tombe. C’était l’opinion de la plupart des experts de l’époque. Or, il était impensable qu’une tombe ait pu être construite à proximité d’une maison juive puisque les lois juives sur la pureté l’auraient formellement interdit.
En 2006, les sœurs ont permis au groupe
Projet archéologique Nazareth le plein accès au site et mirent également à sa disposition les dessins et les notes du père Senès qu’elles avaient précieusement gardés. Dirigée par
Ken Dark, professeur à l’Université de Reading au Royaume-Unis, une équipe d’archéologues étudia le site. Combinant les analyses du père Senès, les notes des excavations précédentes des sœurs, avec leurs propres recherches, cette équipe reconstitua l’historique du développement du site depuis le premier siècle jusqu’à nos jours. Ainsi, les archéologues datèrent la maison au premier siècle et l’identifièrent comme étant un endroit où des gens qui, bien qu’ayant vécu des siècles après le temps de Jésus, croyaient qu’il s’agissait de la maison où Jésus avait grandi avec Joseph et Marie. « Était-ce la maison où Jésus a grandi ? Scientifiquement parlant c’est impossible à affirmer » déclarait le professeur Dark dans son article écrit dans le magazine
Biblical Archaeology Review. Toutefois, ajoutait-il, « il n’y pas non plus de raison archéologique pour qu’une telle affirmation soit complètement écartée ».
Le professeur Dark et son équipe ont découvert des preuves de l’existence d’une église de l’époque des croisades ainsi qu’une autre de l’ère Bizantine, toutes deux construites sur cette structure de pierre du premier siècle. Ils découvrirent que, des siècles après la vie de Jésus, l’église de la Nutrition fut construite autour de cette maison et des deux tombes adjacentes, mais elle cessa d’être utilisée au 8e siècle. Elle fut reconstruite au 12e siècle lorsque les croisés contrôlaient la région mais elle fut brûlée au 13e siècle. Les tombes ainsi que la maison ont été décorées par des mosaïques durant la période byzantine, suggérant qu’elles étaient d’une importance particulière et possiblement vénérées par des pèlerins.
Le professeur Dark est convaincu que cette structure était vénérée comme la maison de la Sainte Famille. Il découvrit également que les tombes étaient taillées dans les murs de la maison et ont été construites après avoir été abandonnées. Cette pratique ne serait donc pas entrée en conflit avec les lois juives. En effet, Dark a trouvé que les tombes de pierre de chaque côté de la structure s’harmonisaient particulièrement avec le récit d’Arculf, un évêque français qui, lors d’un pèlerinage, avait visité l’église de la Nutrition aux alentours de 670. Dans son récit, il fait mention d’une église « bâtie sur le lieu de la maison où le Seigneur avait été nourri durant son enfance ». Cela a mené Dark à croire qu’il s’agissait de la même église que dans le récit de Arculf.
La tombe adjacente à la maison du premier siècle est aujourd’hui communément appelée « la tombe du Juste » et certainement vénérée à l’époque des Croisades. Peut-être croyaient-ils qu’il s’agissait de la tombe de saint Joseph.
À l’occasion de sa fête le 19 mars, j’aimerais emprunter un terme de ma nouvelle profession de producteur de télévision et faire un « zoom » sur la vie de saint Joseph. « Zoomer » sur le père adoptif du Seigneur nous donne plusieurs détails sur la famille de notre Sauveur et sur l’environnement où il a possiblement été élevé à Nazareth. Joseph est souvent resté dans l’ombre de la gloire du Christ et de la pureté de Marie. Toutefois, lui aussi attendait de Dieu une parole à laquelle il pourrait obéir. Luc et Matthieu manifestent que Joseph était de la descendance de David, le plus grand roi d’Israël (Matthieu 1, 1-16 ; Luc 3, 23-38). L’Écriture nous a également laissé l’information la plus importante : Joseph était « un homme juste » (Mt 1, 18).
Joseph était une personne compatissante, un homme soucieux du bonheur des autres. Lorsqu’il découvrit que Marie était enceinte après leurs fiançailles, il savait que l’enfant n’était pas de lui mais il ne savait pas encore que Marie portait le Fils de Dieu. Il avait planifié de se séparer de Marie en accord avec la loi mais il craignait pour sa sécurité ainsi que pour les souffrances qu’elle aurait à subir. Joseph était un homme de foi, obéissant à tout ce que Dieu lui demandait même sans en connaître le dénouement. Lorsque l’ange apparut à Joseph dans un rêve lui révélant la vérité à propos de l’enfant que Marie portait, Joseph prit immédiatement Marie comme femme sans se soucier des calomnies et sans poser de questions. Lorsque l’ange réapparut par la suite pour lui dire que sa famille était en danger, il laissa immédiatement tout ce qu’il possédait, ses amis et sa famille, et fuit dans un pays étranger avec sa jeune femme et l’enfant. Il attendit en Égypte jusqu’à ce que l’ange lui dise qu’il pouvait retourner en toute sécurité (Mc 2, 13-23).
Nous avons appris que Joseph était un charpentier (il serait plus juste de dire un constructeur), un homme qui travaille pour s’occuper de sa famille. Joseph n’était pas un homme riche. Nous le savons puisque lorsqu’il amena Jésus et Marie au Temple pour la circoncision et la purification, il offrit le sacrifice réservé
aux gens peu fortunés qui ne pouvaient se payer un agneau, c’est-à-dire deux tourterelles et deux pigeons.
Joseph révélait, par son humilité, le rôle unique des pères de proclamer la vérité de Dieu en paroles et en actes. De par sa situation paradoxale de « père adoptif de Jésus », Joseph fixe notre attention sur la vérité de la paternité, laquelle est plus que la simple généalogie biologique. Un homme est un père lorsqu’il s’implique dans la formation morale et spirituelle de ses enfants. Il était très conscient, comme tout père devrait l’être, qu’il était le représentant de Dieu le Père.
Joseph protégeait et pourvoyait aux besoins de Jésus et de Marie. Il nomma Jésus, lui apprit comment prier, comment travailler, comment être un homme. Même si aucune parole ou texte ne lui sont attribués, nous pouvons être sûrs que Joseph a dit les deux mots les plus importants jamais prononcés lorsqu’il appela son fils « Jésus », « l’Emmanuel ». Lorsque l’enfant resta derrière au Temple, on nous dit que Joseph et Marie à ses côtés le cherchèrent avec grande anxiété pendant trois jours (Luc 2, 48).
La vie de Joseph nous rappelle que la maison ou la communauté n’est pas construite sur la puissance et les possessions mais plutôt sur la bonté, non pas sur les richesses mais plutôt sur la foi, la fidélité, la pureté et l’amour mutuel.
En visitant les excavations extraordinaires du couvent des sœurs de Nazareth, je ne pouvais m’empêcher de penser au rôle clef de Joseph dans l’histoire du salut, de la manière dont il aimait sa femme Marie et comment il a enseigné plusieurs choses à son fils. Toutes les circonstances qui entourent la découverte des excavations de Nazareth, révélant ce qui pourrait être la maison de la Sainte famille ainsi que l’endroit du repos final de saint Joseph, est une expérience émouvante et une occasion de se souvenir de cet humble et calme servant du Seigneur qui peut encore nous apprendre beaucoup aujourd’hui.
Les défis actuels de la paternité et de la masculinité ne peuvent être compris isolément de la culture dans laquelle nous vivons. Combien de jeunes aujourd’hui ont été affectés par la crise de la paternité ! Combien ont été privés de père ou de grand-père dans leur vie ? Ce n’est pas pour rien que saint Joseph est le patron de l’Église universelle et patron principal du Canada. S’il est une époque où nous avons besoin d’un fort et saint modèle masculin de père c’est bien aujourd’hui ! De plus, la fête de saint Joseph est une merveilleuse occasion d’aller vers lui pour lui demander de nous envoyer de bons pères pour prendre la tête des familles. Joseph et Marie, plus que tout autre, furent les premiers à voir la gloire de leur Unique Fils qui provenait du Père, plein de grâce et de vérité (Jean 1, 14).
Prions pour que nous puissions imiter l’humble travailleur de Nazareth, qui a écouté le Seigneur, gardé un trésor qui n’était pas le sien alors même qu’il allait servir d’exemple à Jésus dont les paroles doivent de nouveau prendre chaire en nous chaque jour de notre vie. De cette dernière découverte provenant de Nazareth, apprenons, à l’exemple de Joseph, à transformer nos maisons et nos communautés en maisons et centres de « nutrition » où nous ne nourrissons pas uniquement le corps mais également l’âme de chaque personne qui vient à nous.