L’évangile de dimanche dernier soulignait à quel point la prière nous est nécessaire (Luc 18, 1-8). La seconde parabole du chapitre 18 (aux versets 9 à 15) condamne l’attitude pharisaïque et le regard critique du pharisien et nous enseigne que l’attitude fondamentale du disciple chrétien doit en être une de reconnaissance du péché et de dépendance complète de la miséricorde de Dieu. La parabole de l’évangile d’aujourd’hui rappelle l’histoire du pardon de la femme pécheresse (Luc 7, 36-50) où un contraste similaire est présenté entre l’attitude critique du pharisien Simon et l’amour démontré par la pécheresse pardonnée.
L’un des thèmes préférés de Luc – le renversement qu’entraîne l’arrivée de Jésus – est magnifiquement illustré dans l’évangile d’aujourd’hui. L’histoire du pharisien et du percepteur d’impôt s’adressait à un type de personnes en particulier : ceux qui s’estimaient respectueux de la loi, mais qui méprisaient tout le monde. Membre du groupe des prétendus vertueux, le pharisien priait « avec lui-même » et toute sa prière était tournée vers lui-même et ses bonnes œuvres. À ses yeux, il était du calibre des légendes, il rayonnait, spécialement quand il se comparait au percepteur d’impôt, lui qui appartenait au groupe méprisé dans la société.
La grande distance
Le percepteur d’impôt savait qu’il était sans vertu. Il ne pouvait pas annuler la tricherie qu’il avait commise. Des gestes de repentance, comme rembourser les gens qu’il avait escroqués, n’y changeraient rien. Il ne pouvait pas s’attendre à ce que les gens l’excusent ou lui pardonnent. La seule chose qu’il savait, c’est qu’il lui était possible d’admettre sa culpabilité uniquement lorsqu’il venait devant Dieu et la lui présentait. Il n’osait pas espérer que Dieu lui pardonnerait. C’est seulement de cette façon qu’il lui a été possible de faire l’expérience de la parole de Jésus qui lui était adressée : « Tu es juste parce que je t’ai accepté. »
La parabole nous dit que le percepteur d’impôt
se tenait à distance. Cette grande distance séparant les deux personnes n’est pas seulement une question d’éloignement géographique ou physique, mais plutôt la grande distance entre leur statut social respectif et entre leurs attitudes. Lorsque le percepteur d’impôt prie, il s’écrie vers Dieu, implorant sa miséricorde. Au final, le jugement revient à Dieu.
Cette histoire provocante nous met en garde contre notre propre comportement dans la prière, la parole et l’action. Cette parabole a choqué ses premiers auditeurs. Dans le judaïsme, s’il y avait un type de personnes qui ne revenait pas chez elle du Temple en ayant été justifié, c’était bien un percepteur d’impôt. Quelqu’un qui travaillait pour un gouvernement étranger en percevant l’impôt étranger sur son propre peuple, qui prenait part à un système dur et corrompu, qui était politiquement un traître et religieusement impur – un publicain – c’était un personnage répréhensible. Bien que sa prière ait été dans l’esprit du Miserere (Psaume 51), sa vie était offensante.
Rendre justice à la parabole
Le pharisien n’est pas un scélérat venimeux et le publicain n’est pas un généreux homme du peuple. Ramener ces personnages à des caricatures ne rend pas justice à la parabole. Si le pharisien était dépeint comme un scélérat et le percepteur d’impôt comme un héro, alors chacun aurait obtenu ce qu’il méritait, il n’y aurait pas la surprise de la grâce et la parabole serait dépouillée de son sens véritable. Le sens véritable de l’histoire n’est pas que tous les pharisiens sont, de par leur nature, faux, malhonnêtes, orgueilleux et arrogants et que tous les percepteurs d’impôt sont en réalité des personnes pauvres, humbles et vraies à l’intérieur. Luc nous dit que se mettre à part « des autres », c’est retourner chez soi sans avoir été justifié, approuvé ni gracié par Dieu.
Dans la parabole de Jésus, chaque personne reçoit « en dépit de », pas « en raison de ». Même lorsque nous considérons les deux hommes en termes de personnages et de représentations d’attentes de la part de la communauté, sans étiquette ni préjugé, la parabole nous choque encore et garde son pouvoir à la fois de nous offenser et de nous bénir. On ne peut pas prêcher cette parabole en dépeignant les personnages d’une façon telle que les gens sortent de nos églises ce jour-là en se disant – et peut-être en le répétant à d’autres – « Dieu merci je ne suis pas comme le pharisien! » L’inversion pourrait être renversée!
La prière de l’humble est entendue
Les mots de la première lecture d’aujourd’hui, tirés du livre de Ben Sirac le Sage (chap. 35, 12-14. 16 -18), sont des plus appropriés pour comprendre l’esprit dans lequel lire la parabole de l’évangile d’aujourd’hui : « Celui qui sert Dieu de tout son coeur est bien accueilli, et sa prière parvient jusqu’au ciel. La prière du pauvre traverse les nuées; tant qu’elle n’a pas atteint son but, il demeure inconsolable. Il ne s’arrête pas avant que le Très-Haut ait jeté les yeux sur lui, prononcé en faveur des justes et rendu justice. »
La vie de Paul déversée comme une libation
La seconde lecture d’aujourd’hui, qui provient de la Seconde lettre de saint Paul Apôtre à Timothée (4, 6-8. 16-18), nous offre un aperçu important du ministère de saint Paul. Emprisonné à Rome et voyant la mort approcher, Paul a esquissé une évaluation pleine de reconnaissance et d’espérance. Il était en paix avec Dieu et avec lui-même et faisait face à la mort avec sérénité, dans la connaissance qu’il avait passé toute sa vie, ne s’épargnant aucun effort, à servir l’Évangile. Paul savait que sa mort par le martyr était imminente. Il la considérait comme un acte de dévotion dans lequel son sang serait versé en sacrifice (cf Exode 29, 38-40; Philippiens 2, 17). Au soir de sa vie, Paul pouvait témoigner de l’accomplissement de que Christ lui-même lui avait prédit à propos de lui au moment de sa conversion : « Et moi, je lui ferai découvrir tout ce qu’il lui faudra souffrir pour mon Nom » (Actes 9, 16).
Ayant passé les deux dernières semaines à Rome pour prendre part aux cérémonies de canonisation de six nouveaux saints pour l’Église le dimanche 17 octobre, le souvenir de Pierre et de Paul flotte puissamment au-dessus de cette ville. Chacun avec sa propre expérience personnelle et ecclésiale, Pierre et Paul témoignent que le Seigneur ne les a jamais abandonnés, même au cœur des plus terribles épreuves. Le Seigneur était avec Pierre pour le délivrer des mains de ses adversaires à Jérusalem; Il était avec Paul dans ses constants efforts apostoliques pour lui transmettre la force de sa grâce; pour faire de lui un proclamateur sans peur de l’Évangile pour le bienfait des nations (2 Tm 4, 17).
Paul a modelé sa vie sur celle de Jésus-Christ. Au cours de la dernière Cène, Jésus avait déjà anticipé l’événement du Calvaire. Il acceptait la mort sur la croix et par son acceptation, il transforme l’acte de violence en un acte de don, de don de soi déversé « vers l’avant ». « Et si je dois verser mon sang pour l’ajouter au sacrifice que vous offrez à Dieu par votre foi… », dit Paul dans sa lettre aux Philippiens au chapitre 2 verset 17 en s’appuyant sur l’exemple de Jésus et en anticipant son propre martyr imminent. À la dernière Cène, la croix est déjà présente, acceptée et transformée par Jésus.
Vivre en constante intimité avec Dieu
En conclusion, je vous offre un extrait de la lettre du pape Benoît XVI au séminaristes qui a été publiée le 18 octobre 2010.
Lien vers traduction en français (texte partiel, commenté) :
http://www.zenit.org/article-25766?l=french
Lien vers traduction en français (texte complet) :
http://www.vatican.va/holy_father/benedict_xvi/letters/2010/documents/hf_ben-xvi_let_20101018_seminaristi_fr.html
Bien qu’elle ait été écrite à l’occasion de la conclusion de l’année sacerdotale en juin dernier, le message papal, à la fois riche et personnel, est parlante pour chacun de nous à la lumière des lectures bibliques d’aujourd’hui.
Celui qui veut devenir prêtre doit être par-dessus tout « un homme de Dieu », comme le décrit saint Paul (
1 Tm 6, 11). Pour nous, Dieu n’est pas une hypothèse lointaine, il n’est pas un inconnu qui s’est retiré après le « big bang ». Dieu s’est montré en Jésus Christ. Sur le visage de Jésus Christ, nous voyons le visage de Dieu. Dans ses paroles, nous entendons Dieu lui-même nous parler. C’est pourquoi, le plus important dans le chemin vers le sacerdoce et durant toute la vie sacerdotale, c’est la relation personnelle avec Dieu en Jésus Christ.
Le prêtre n’est pas l’administrateur d’une quelconque association dont il cherche à maintenir et à augmenter le nombre des membres. Il est le messager de Dieu parmi les hommes. Il veut conduire à Dieu et ainsi faire croître aussi la communion véritable des hommes entre eux. C’est pour cela, chers amis, qu’il est si important que vous appreniez à vivre en contact constant avec Dieu. Lorsque le Seigneur dit : « Priez en tout temps », il ne nous demande pas naturellement de réciter continuellement des prières, mais de ne jamais perdre le contact intérieur avec Dieu. S’exercer à ce contact est le sens de notre prière. C’est pourquoi il est important que la journée commence et s’achève par la prière. Que nous écoutions Dieu dans la lecture de l’Ecriture. Que nous lui disions nos désirs et nos espérances ; nos joies et nos souffrances, nos erreurs et notre action de grâce pour chaque chose belle et bonne et que, de cette façon, nous l’ayons toujours devant nos yeux comme point de référence de notre vie. Nous prenons alors conscience de nos erreurs et apprenons à travailler pour nous améliorer ; mais nous devenons aussi sensibles à tout le bien et à tout le beau que nous recevons chaque jour comme quelque chose allant de soi et ainsi la gratitude grandit en nous. Et avec la gratitude, grandit la joie pour le fait que Dieu nous est proche et que nous pouvons le servir.
Puisse le Seigneur faire de nous de meilleurs serviteurs qui faisons ce que nous devons faire, ne se concentrant jamais sur le dépassement des autres, mais plutôt sur la reconnaissance de notre obligation d’être de plus grands serviteurs des autres, précisément parce qu’on nous a tellement
donné, tellement
pardonné et tellement
béni. Que le Seigneur nous accorde des cœurs généreux en le servant et en L’aimant à travers les autres! Que la gloire soit à Lui pour toujours et à jamais.
Les lectures pour ce dimanche sont Sirac 35, 15-17. 15-22; 2 Timothée 4, 6-8.16-18; Luc 18, 9-14.
« Paroles faites chair, volume 3, année C » sera publié par la Conférence des Evêques catholiques du Canada dans le courant de l’année 2013. Il est toujours possible de commander votre exemplaire de « Paroles faites chair, volume 2, année B », pour cela visitez notre boutique sur le site seletlumieretv.org/boutique. Pour recevoir le recueil de l’année C, veuillez-vous inscrire sur notre lettre d’infos qui vous annoncera la sortie de ces réflexions sur l’Année C. seletlumieretv.org/sabonner