Les lectures de ce dimanche démontrent le propre usage des possessions matérielles comme ingrédient essentiel pour mener une vie dans la foi. Les trois propos de l’évangile suggèrent un contraste entre les richesses terrestres et les richesses éternelles. La parabole de Luc sur l’intendant malhonnête (16,1-8a) devrait être interprétée à la lumière de la coutume palestinienne des agents qui agissent au nom de leur maîtres et les pratiques usuraires à de tels agents. La malhonnêteté de l’intendant consistait à dilapider les biens de son maître (v. 1).
Le maître loue l’intendant malhonnête qui a renoncé à sa propre commission de la transaction en conviant les débiteurs à émettre de nouveaux billets qui reflètent le montant effectif dont le maître est redevable (c.à.d. moins le profit de l’intendant). Le malhonnête intendant agit de cette manière afin de s’insinuer dans les bonnes grâces des débiteurs, car il sait qu’il sera démis de son poste (v. 3).
Le deuxième volet de l’évangile d’aujourd’hui (8b-13) porte sur quelques propos indépendants de Jésus recueillis par Luc pour former une application conclusive de la parabole de l’intendant malhonnête. La première conclusion (v. 8b-9) recommande l’usage prudent des biens de soi (en vue de l’imminence de la fin des temps) d’après la manière des fils de ce monde, représentés dans la parabole de l’intendant malhonnête. Le terme utilisé pour désigner l’Argent trompeur est littéralement « Mammon de l’iniquité ».
«Mαμμωνάς» est la translitération grecque d’un vocable hébreu ou araméen
«ממונא, ממון» qui d’ordinaire signifie « ce en quoi on a confiance. » Les richesses sont caractérisées par la malhonnêteté.
La deuxième conclusion (v. 10-12) recommande une constante fidélité envers ceux qui occupent des postes de responsabilité. Quant à la troisième conclusion (v. 13) elle consiste en une déclaration générale concernant l’incompatibilité de servir Dieu et d’être un esclave au service de l’Argent. Être dépendant de l’Argent s’oppose aux enseignements de Jésus qui nous conseille une dépendance absolue sur le Père comme une des caractéristiques du disciple chrétien (Luc 12, 22-39). Le terme «Argent »
(«Mαμμωνάς») dans ce contexte désigne un dieu.
Le sens exact de la parabole
Le point exact de la parabole n’est pas clair. Elle aurait ordinairement pu être sensée inciter les disciples à prendre une décision pour le Royaume en temps de crise, imitant le gérant qui avait agi décisivement lorsqu’il faisait face aux crises dans sa vie. Jésus incite les disciples à être entrepreneur de part leur utilisation des biens terrestres, sans doute en les partageant avec les démunis, et de manière plus générale, en les utilisant selon la volonté de Dieu. La leçon à en déduire : Tout comme les entrepreneurs dans le monde des affaires utilisent la prudence pour garantir leur avantage courant, les disciples de Jésus doivent utiliser la prudence pour sécuriser un avantage durable avec Dieu. En tant que chrétiens nous sommes intendants des biens que Dieu nous a confiés. Nous ne les possédons pas. Dans le Royaume, récompenses et responsabilités seront données à ceux qui ont fait preuve de fidélité dans leur sauvegarde des biens terrestres.
L’intendance de John Henry Newman
Le cardinal John Henry Newman était un fidèle intendant des dons et mystères de Dieu. Né le 21 février, 1801 au sein d’une famille anglicane de banquiers, il ressentait une passion envers Dieu et les affaires spirituelles dès un très bas âge, ayant vécu sa « première conversion » à l’âge de 15 ans. Il fut ordonné ministre anglican en 1825, alors qu’il venait de terminer ses études à l’Université d’Oxford. Newman avait passé la première moitié de sa vie en tant que chercheur et prédicateur à Oxford, ou il dirigeait un mouvement pour renouveler l’Église anglicane.
Il est passé de l’anglicanisme au catholicisme et a utilisé son grand intellect ainsi que sa maîtrise de l’écriture pour convertir des milliers de personnes au christianisme et les convaincre à se joindre à l’Église catholique. En devenant catholique, Newman devait faire de nombreux sacrifices. Plusieurs de ses amis rompirent leurs liens avec lui après sa conversion, et sa famille l’a marginalisé. Il devait résigner à son poste d’attaché d’enseignement et perdit son unique source de revenu. Newman disait la présence du Christ dans le Saint Sacrement était la seule chose qui le soutenait durant cette période éprouvante. Il a passé la deuxième moitié de sa vie en tant que prêtre catholique à Birmingham, en servant en tant que dirigeant de la communauté des Oratoriens.
« Il sait de quoi Il s’agit »
Une fois Newman s’est rendu compte de la mission qui lui fut confiée par Dieu, il déclarât :
Donc, j’aurai confiance en Lui… Si je suis malade, ma maladie pourrait Le servir, dans la perplexité, ma perplexité pourrait Le servir… Il ne fait rien en vain… Il pourrait prendre mes amis. Il pourrait me jeter parmi des étrangers. Il pourrait me faire sentir désolé, me baisser l’esprit, receler le futur. Néanmoins, Il sait de quoi Il s’agit.
Newman et les jeunes adultes
On dit qu’enseigner c’est laisser un vestige de soi dans le développement d’une autre personne. C’est ce que Newman a fait avec des milliers d’étudiants. Il était un modèle exemplaire d’intellect, de fidélité, de créativité, de grâce et d’hospitalité envers les jeunes hommes et femmes à l’université. Pour cette raison il est le patron des aumôneries des universités catholiques à travers le monde, connues sous le nom de « Centres Newman. »
Newman était un poète impérieux. ‘Conduis-moi, douce lumière, au milieu des ombres qui m’entourent. La nuit est sombre et je suis loin de ma demeure. Conduis-moi’, écrivait Newman dans le Pilier de la nuée ; pour lui le Christ était la lumière au cœur de chaque genre d’obscurité. Il était de même un prédicateur profond et perspicace. Parmi les passages qu’il prêchait, un passage extrait d’un sermon qu’il avait prononcé en 1834 – plus d’une décennie avant qu’il n’ait rejoint l’Église catholique – offrait souvent un réconfort aux personnes endeuillées :
« Qu’Il nous soutienne tout au long de la journée, jusqu’à ce que les ombres s’allongent, que le soir arrive, que le monde préoccupé se taise, que la fièvre de la vie prenne fin, et que notre travail soit achevé ! Alors, dans Sa miséricorde, qu’Il nous pourvoie d’un logement sur, et un repos sacré, et une paix …[at the last]. »
Le trésor parmi nous
Ce n’est que tard dans sa vie que l’Église catholique romaine réalisa le trésor qu’était Newman, et que Oxford – une université qu’il aimait – eut réalisé la vraie valeur de l’homme qu’elle avait perdu. Le pape Léon XIII l’avait nommé cardinal en 1879, en hommage à ses œuvres extraordinaires et sa dévotion. Apres une vie d’épreuves, Newman avait reçu cette nouvelle avec des larmes et une grande joie, en déclarant : « le nuage est a jamais levé ».
Pour Newman, croire au christianisme c’était comme tomber en amour. Sa devise en tant que cardinal était la phrase de Saint François de Sales, « le cœur parle au cœur ; » les arguments intimidants et sagaces, disait-il, ne nous rapprochent pas de Dieu.
Le cardinal Newman mourut à l’âge de 89 ans à la maison de l’Oratoire à Edgbaston, le 11 août, 1890. Sur sa tombe est inscrit : “
Ex umbris et imaginibus in veritatem;” (Hors des ombres et des images dans la plénitude de la vérité). Le Christ était la vérité qu’il avait trouvée à la fin de son pèlerinage sur terre.
Le cardinal Newman a été déclaré vénérable en 1991 par le pape Jean Paul II. Le dimanche 19 septembre 2010, à Birmingham, en Angleterre, ce grand théologien victorien catholique, qui était aussi un des catholiques Anglais les plus influents du XIXème siècle, sera proclamé bienheureux par le pape Benoît XVI. Les paroles de la deuxième lecture d’aujourd’hui extraites de la première lettre à Timothée (2, 1-8) auraient bien pu être prononcées par le cardinal John Henry Newman :
Au temps fixé, il a rendu ce témoignage pour lequel j’ai reçu la charge de messager et d’Apôtre – je le dis en toute vérité – moi qui enseigne aux nations païennes la foi et la vérité. Je voudrais donc qu’en tout lieu les hommes prient en levant les mains vers le ciel, saintement, sans colère ni mauvaises intentions.
Le don d’amitié de Newman
Le cardinal Newman était un brillant modèle d’amitié. Durant sa vie, Newman était doué d’une capacité extraordinaire de se lier d’une profonde amitié avec beaucoup de personnes, tant avec des hommes qu’avec des femmes, comme l’attestent les 20,000 lettres recueillies dans 32 volumes. Cette influence personnelle a été puissamment exercée par des millions de personnes qui ont lu ses œuvres et ont découvert ce que veut vraiment signifier l’amitié. Il écrivait dans une lettre : « La meilleure préparation pour aimer la totalité du monde, et l’aimer dument et sagement c’est de cultiver une amitié et une affection intimes pour ceux qui sont dans la proximité immédiate. »
Sommes-nous capables d’entretenir de telles amitiés aujourd’hui ? De telles amitiés intimes peuvent-elles exister pour nous ? Les hommes et les femmes ont des liens d’amitiés intenses avec des membres de leur propre sexe, des amitiés qui n’ont pas de composante sexuelle ; pourtant ca nous embarrasse d’en parler, et avons meme peur de le faire. Aujourd’hui le terme « ami/amie » est un mot que vous pouvez ajouter a un profile de communication sociale en ligne ; ou ca pourrait être un euphémisme pour un partenaire sexuel hors du mariage.
L’écrivain français François Mauriac avait écrit à propos de l’amitié : « Si vous êtes ami avec le Christ plusieurs autres se réchaufferont a votre feu… Le jour ou vous ne brulerez plus d’amour, plusieurs mourront de froid. » Je suis certain que la « douce lumière» et la flamme générée par le cœur du cardinal Henry Newman continuent a donner de la vie et de la chaleur a des millions de personnes. Personnellement, j’ai retrouvée la chaleur et la consolation aux pieds de ce grand maître pendant de nombreuses années. La source du feu inextinguible était la profonde amitié de Newman avec le Christ. Nous avons besoin de la lumière bienveillante et du modèle brillant et sacré de Newman aujourd’hui plus que jamais.
Ô Dieu,
tu as donné au vénérable prêtre John Henry Newman
la grâce de suivre ta douce lumière
et de trouver la paix de ton Église;
accorde-nous par son intercession et son exemple
d’être amené hors des ombres et des images
dans la plénitude de ta vérité.
(Les lectures de ce dimanche sont Amos 8, 4-7; Psaume 112; 1 Timothée 2, 1-8 et Luc 16, 1-13.)
« Paroles faites chair, volume 3, année C » sera publié par la Conférence des Evêques catholiques du Canada dans le courant de l’année 2013. Il est toujours possible de commander votre exemplaire de « Paroles faites chair, volume 2, année B », pour cela visitez notre boutique sur le site seletlumieretv.org/boutique. Pour recevoir le recueil de l’année C, veuillez-vous inscrire sur notre lettre d’infos qui vous annoncera la sortie de ces réflexions sur l’Année C. seletlumieretv.org/sabonner