Frères et Sœurs,

Cette année notre célébration de l'ordination des nouveaux prêtres du
diocèse de Paris prend une dimension exceptionnelle. D'abord elle marque
la clôture de l'année sacerdotale pour le cent cinquantième anniversaire
de la mort de saint Jean-Marie Vianney, curé d'Ars. D'autre part, j'ai
aussi souhaité que cette ordination soit l'occasion d'un rassemblement
diocésain qui associe toutes les paroisses et les communautés au terme
de notre première année de « Paroisses en mission ».
Bien sûr, nous savons que nous ne sommes ici qu'une petite partie de
l'immense peuple de Dieu qui constitue le diocèse de Paris. Nous avons
bien conscience de n'être que les représentants visibles de ces
assemblées dominicales que j'ai appelées cette année à s'investir
davantage dans la mission de l'Église.
Nous sommes d'autant plus heureux de nous retrouver dans et autour de la
cathédrale, l'église mère, représentant les différents quartiers de
Paris et toutes les générations. Notre joie est encore accrue par la
présence de Mgr Joseph Nguyen Chi Linh, évêque de Thanh-hoa au Vietnam
qui vient participer à l'ordination de Joseph Nam, prêtre de son
diocèse. Nous lui souhaitons cordialement la bienvenue à Paris et nous
lui exprimons notre communion avec l'Église au Vietnam.
Nous sommes aussi heureux d'accueillir Mgr Matthias N'Gartéri Mayadi,
archevêque de N'Djaména au Tchad.
Thomas, Nicolas, Grégoire, Nathanaël, Thierry, Thierry, Joseph, Luc et
Sébastien,
célébrer votre ordination sacerdotale au cours de ce rassemblement
diocésain n'est pas une manière de relativiser l'événement exceptionnel
que vous vivez aujourd'hui, au contraire. C'est au cœur de ces
communautés que votre vocation personnelle a pris corps, c'est pour le
service de ces communautés que vous êtes ordonnés et que le Christ
appelle chacun d'entre vous et vous consacre. La magnifique figure de
notre Église assemblée vous donne visiblement le cadre de votre vie de
prêtres qui commence aujourd'hui.
Vous êtes accompagnés par vos familles que je salue et auxquelles
j'exprime la reconnaissance de tous. Autour de votre évêque et de ses
auxiliaires, avec l'ensemble du presbyterium qui va vous imposer les
mains, entourés des diacres, des religieux et des religieuses, de toutes
les personnes consacrées et portés par le peuple tout entier, vous
recevez en même temps votre mission et votre place dans l'Église du
Christ pour guider et nourrir le peuple chrétien, pour participer à sa
mission et rendre témoignage au Christ.
Alors que notre Église a été durement touchée tout au long de cette
année, nous mesurons bien que notre engagement à la suite du Christ est
un engagement de pauvres hommes qui n'échappent ni aux perversions
communes, ni aux fautes des membres de l'Église. Notre corps sacerdotal
a été secoué par la révélation du mal qu'ont fait un certain nombre de
ses membres. L'Église tout entière en a été frappée. Nous en avons
souffert, nous en souffrons et nous en demandons pardon à celles et ceux
qui en furent les victimes. Mais nous avons assez foi en la puissance de
Dieu pour savoir qu'Il continue d'agir malgré nos faiblesses.
Ce n'est pas de nos qualités, de nos talents, ni même de nos convictions
que nous sommes les témoins. C'est du Christ ressuscité et de la vie de
son Esprit en ce monde. Ce ne sont pas notre valeur morale que nous
annonçons, c'est la Bonne Nouvelle du salut. Dans le Christ, le péché et
la mort ont été vaincus et ceux qui essaient d'être disciples du Christ
sont témoins de cette victoire. Comme les Apôtres à Césarée, avec le
peuple de Dieu tout entier, nous sommes sollicités aujourd'hui encore
pour dire qui est Jésus-Christ. Qui il est pour nous ; qui il est pour
chaque homme et chaque femme de notre temps.
La véritable réponse aux questions de ce monde n'est pas dans le même
registre que celui des questionneurs. Ceux-ci sont tentés de mesurer
l'authenticité de l'Église à l'aune des moyens de communication pour
lesquels l'image construite et présentée compte plus que la réalité.
Notre véritable réponse aux questions de ce monde n'est pas dans une
stratégie de communication, elle est ici ce matin, dans cette cathédrale
et sur son parvis. C'est l'Église toujours vivante malgré ses faiblesses
et ses blessures, c'est l'Église fondée par le Christ, animée par son
Esprit, l'Église sans cesse en croissance et en mouvement, l'Église
mobilisée et passionnée par l'annonce de Jésus-Christ.
Ce sont les chrétiens qui témoignent de Jésus-Christ dans tous les
quartiers de notre grande ville et dans tous les domaines de leur vie :
leur famille, leur travail, leurs loisirs. Ce sont ces mêmes chrétiens
qui se rassemblent chaque dimanche pour proclamer la foi de l'Église,
recevoir la Parole de vérité et le Pain de vie. Ces assemblées
paroissiales sont variées et bigarrées par les différentes nationalités
et les différentes cultures de ceux qui s'y retrouvent comme les membres
d'une même famille. Nos communautés essaient, semaine après semaine, de
témoigner dans ce monde que la diversité sociale n'est pas un danger,
pas plus que la diversité raciale ou culturelle. Ces diversités sont des
richesses précieuses.
Ces chrétiens qui se réunissent chaque dimanche par dizaines de
milliers, sont une puissante force de transformation de notre monde et
de notre société. Par leur manière de vivre, par leur persévérance dans
les difficultés, par leur espérance dans les possibilités de rendre ce
monde meilleur, ils sont une référence et un soutien pour toute notre
société. Ils savent que cette société n'est pas toujours prête à porter
et à soutenir les valeurs du christianisme et ils acceptent que leur
témoignage ne soit pas reconnu et même qu'il soit critiqué. Ils ne
demandent aucun traitement de faveur, mais ils demandent d'être
respectés au nom de leur service du bien commun.
Dans ce monde, dans tous les temps et sous toutes les latitudes, la
fidélité à la personne du Christ et à son enseignement a toujours été un
combat. Dire qui est Jésus-Christ ne conduit pas nécessairement à se
faire des amis. Jésus en a prévenu ses disciples : « Vous serez traduits
devant des gouverneurs et des rois, à cause de moi : ils auront là un
témoignage pour eux et pour les païens. Lorsqu'ils vous livreront, ne
vous inquiétez pas de savoir comment parler ou que dire : ce que vous
aurez à dire vous sera donné à cette heure-là, car ce n'est pas vous qui
parlerez, c'est l'Esprit de votre Père qui parlera en vous. » (Mt. 10,
18-20).
Ce n'est pas sur nos forces que nous pouvons compter, mais sur la force
de Dieu. On a pu enchaîner Pierre et traduire Paul en jugement. On ne
peut pas enchaîner la Parole de Dieu. Chers amis, vous pouvez donc
accepter avec confiance le ministère auquel vous êtes appelés, pourvu
que vous soyez résolus à vous appuyer sur la grâce de Dieu et sur la vie
de l'Église pour conduire votre vie et votre action.
Notre rassemblement de ce jour béni est d'abord un acte de foi dans
cette puissance de Dieu qui conduit son Église en rassemblant, semaine après semaine, les disciples de Jésus et en les nourrissant de sa Parole et de ses sacrements. Mais, l'authenticité de cette parole et de ces
sacrements nous est garantie, non par un contrôle idéologique ou par un
alignement de tous sur de bons sentiments généreux.
Elle nous est garantie sacramentellement par le ministère des prêtres
agissant dans l'Église par l'envoi du Christ pour faire ce que lui-même
a fait. Quand nous prêchons, malgré les limites de nos discours, c'est
lui-même qui instruit son Église. Quand nous consacrons le pain et le
vin, c'est lui-même qui se donne en nourriture et en boisson. Quand nous
pardonnons les péchés, c'est lui-même qui fait miséricorde. Quand nous
baptisons, c'est lui qui baptise. Dans tous les sacrements par lesquels
il nous donne sa vie, il a voulu passer par les simples paroles et les
pauvres gestes de ses ministres pour toucher lui-même chaque chrétien
dans son âme et dans son corps.
Nous sommes remplis de joie et de gratitude pour le soin que Dieu prend
de son peuple à travers le ministère des prêtres. Nous sommes remplis de
joie et de gratitude pour tous ces hommes que le Christ a choisis et
appelés pour « être avec lui » et partager sa mission pastorale.
Je pense aux neuf prêtres que nous allons ordonner aujourd'hui, mais
aussi tous ceux qui les ont précédés et dont nous sommes heureux de
fêter le jubilé de l'ordination, aux prêtres âgés qui suivent cette
célébration depuis la maison de retraite Marie-Thérèse et bien-sûr à
tous ceux qui vont vous imposer les mains et appeler sur vous le don de
l'Esprit du Christ. Aujourd'hui nous voulons remercier Dieu pour ce don
magnifique et vous remercier, vous, ses prêtres et ses diacres, qui avez
généreusement répondu à son appel, vous par qui nous avons été enfantés
à la foi, reçus dans l'Église et soutenus et fortifiés dans notre suite
du Christ.
Frères et Sœurs, laissez-moi vous faire une confidence. Je crois que
tous vos prêtres réunis ici tout comme ceux qui nous sont unis par la
pensée et la prière, tous ont le cœur débordant de joie et de gratitude
pour le bonheur que Dieu leur donne grâce à vous.
Tous sont émerveillés des fruits que produit l'Esprit dans la vie de
tant d'hommes et de femmes, souvent inconnus, qui sont aujourd'hui les
témoins du Christ au milieu de ce monde. Ils trouvent leur joie et leur
épanouissement à exercer leur service pastoral avec vous et pour vous.
Ils se réjouissent de voir comment la force de l'Esprit surmonte vos
faiblesses et vous conduit à mettre en pratique le commandement de l'amour.
Vous le faites dans vos familles entre époux et avec vos enfants ; vous
le faîtes dans vos paroisses et vos mouvements quand vous donnez
généreusement de votre temps pour aider à la vie de vos communautés ;
vous le faites dans votre vie sociale quand vous vous engagez pour plus
de justice et de générosité. Grâce à vous, notre foi est fortifiée,
notre espérance est éclairée. Avec Paul, nous pouvons dire : « Je sais
en qui j'ai mis mon espérance et je ne serai pas déçu. »
Au moment où notre société traverse une crise où les incertitudes
économiques font ressortir les questions fondamentales sur notre modèle
de vie sociale et appellent à nouveau une réflexion sur le sens de la
vie humaine, l'Évangile et son programme de justice et d'amour prennent
une actualité nouvelle. Un certain nombre de nos contemporains entendent
avec plus d'intérêt et plus d'attention celles et ceux qui ne se
laissent pas enfermer dans le piège de l'exploitation anarchique du
monde pour la satisfaction de leurs désirs immédiats, celles et ceux qui
osent poser les questions des finalités : pourquoi l'homme est-il sur la
terre et comment peut-il être digne de sa vocation unique ?
Catholiques de Paris, dans ce temps de grâce, dans ce moment opportun,
ne faillissons pas à notre mission ! Que chacune de nos communautés, -et
spécialement nos assemblées dominicales-, soit un flambeau d'espérance
dans la grisaille des jours. Que chacune et chacun d'entre nous soit un
signe que la promesse de Dieu s'accomplit pour ces temps et en ces lieux.
Thomas, Nicolas, Grégoire, Nathanaël, Thierry, Thierry, Joseph, Luc et
Sébastien, Vous commencez votre ministère de prêtre dans une période
pleine de promesses. Vivez le comme une grâce particulière au service de
l'Église tout entière. Regardez ce peuple qui vous entoure. Il est le
signe et le gage que la mission que vous recevez pourra s'accomplir en
communion avec lui.
Aux jeunes hommes qui sont ici ce matin, je veux dire encore une fois:
l'Église qui est à Paris a besoin de prêtres passionnés par l'annonce de
l'Évangile et le service du peuple des chrétiens. Vous pouvez être ces
prêtres si vous acceptez tout simplement d'entendre l'appel de Dieu et
d'y répondre. En tout cas, moi aujourd'hui je vous y invite sans crainte
car je sais que Dieu donne les moyens d'accomplir ce qu'il demande et
qu'être prêtre est un chemin de bonheur. « Ne vous amassez pas de
trésors sur la terre, où les mites et les vers font tout disparaître, où
les voleurs percent les murs et dérobent.
Là où est ton trésor là aussi
est ton coeur. » (Mt. 6, 19.21). Réfléchissez, priez et demandez souvent
à Dieu : « Seigneur, que veux-tu que je fasse ? »